Qu’est-ce qu’une balance commerciale et pourquoi Trump s’en préoccupe-t-il?

Des conteneurs au port de Montréal
Photo: Graham Hughes Archives La Presse canadienne Des conteneurs au port de Montréal

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Pourriez-vous expliquer en quoi la balance commerciale déficitaire d’un pays, qui semble préoccuper beaucoup M. Trump, est si importante lorsque, par ailleurs, d’autres indicateurs économiques tels que le taux de chômage, le taux d’inflation ou la croissance du PIB sont plutôt favorables ?

Une petite définition

La balance commerciale, ou solde commercial, est la différence entre la valeur des exportations (de biens et/ou de biens et services) et celle des importations d’un pays sur une période donnée. Voici sa place dans l’équation classique de base du produit intérieur brut : PIB = C + G + I + (X-M), où C veut dire dépenses de consommation, G signifie dépenses gouvernementales, I est associé aux investissements (privés bruts) et X-M (Exportations-Importations) au commerce extérieur. On y voit qu’un solde commercial positif (plus d’exportations que d’importations) augmente le PIB. C’est le contraire pour un solde négatif.

Et les chiffres

Statistique Canada nous dit que l’excédent commercial de marchandises du Canada avec les États-Unis s’est élevé à 102,3 milliards de dollars en 2024, contre 108,3 milliards de dollars en 2023. Pour ce qui est du commerce des services, le Canada affiche constamment des déficits avec les États-Unis, souligne l’agence fédérale, principalement en raison des services de voyage. Lorsque l’on combine les biens et des services, le Canada a enregistré un excédent commercial global de 94,4 milliards de dollars avec les États-Unis en 2023.

Et Statistique Canada de souligner que l’exportation de produits énergétiques est une composante clé de l’excédent commercial de marchandises avec les États-Unis. En 2024, le Canada a exporté pour 176,2 milliards de dollars de produits énergétiques vers d’autres pays, la très grande majorité étant destinée aux États-Unis. À titre d’illustration, selon les calculs des économistes de la Banque Nationale, si on exclut le secteur énergétique, les États-Unis auraient affiché un surplus commercial de marchandises de 26,3 milliards de dollars avec le Canada en 2023.

Un exemple

Prenons l’exemple de l’acier et de l’aluminium, sur lesquels Donald Trump vient d’imposer un tarif douanier de 25 % sur les importations aux États-Unis. Selon les données de Statistique Canada, le commerce bilatéral de minéraux entre le Canada et les États-Unis était évalué à 146 milliards de dollars en 2023.

Derrière ce chiffre, le Canada a maintenu une importante balance commerciale positive en minéraux et en métaux avec les États-Unis, atteignant 31,5 milliards de dollars en 2023, soit une augmentation de 16 % par rapport à l’année précédente et sa valeur la plus élevée depuis 2008. Du nombre, la valeur des exportations de métaux au sud de la frontière atteignait les 83,8 milliards de dollars, et les importations canadiennes en provenance des États-Unis se chiffraient à 57,3 milliards de dollars.

Les principales exportations comprenaient le fer et l’acier (20 milliards de dollars, ou 24 % du total) et l’aluminium (15,2 milliards de dollars, ou 18 % du total). Parmi les principales importations, on retrouvait le fer et l’acier (17,1 milliards de dollars, ou 30 % du total) et l’aluminium (4,1 milliards de dollars, ou 7 % du total). Certes, on peut y voir un excédent commercial canadien pour ces produits. Mais selon un portrait d’ensemble du degré de transformation, Statistique Canada calcule que les exportations de minéraux ont été réparties entre les produits des étapes 1 et 2 en amont (48 %) et les produits des étapes 3 et 4 en aval (52 %). Pour les importations, ce poids était respectivement de 27 % et de 73 %.

« Il en résulte une balance commerciale positive dans les segments en amont de la chaîne de valeur et une balance commerciale négative en aval. Cela est représentatif de l’importante richesse géologique du Canada et de la robustesse de ses capacités en matière de transformation des minéraux par rapport à sa capacité de fabrication plus limitée », résume l’organisme du gouvernement fédéral.

Ce que tout cela veut dire

Il est généralement retenu dans la théorie économique qu’un excédent commercial est le reflet d’une économie productive et concurrentielle, capable de répondre à la demande à la fois interne et internationale. À l’opposé, un déficit peut signifier une dépendance aux importations, une faiblesse de la production nationale, voire une carence en matière de création de valeur ajoutée.

Cela dit, la disponibilité des ressources nécessaires, le choix de transformer localement les ressources naturelles et autres matières premières importées, la recherche de gains d’efficacité et de coûts de production moindres et le taux de change sont autant d’éléments qui vont aussi influer sur le flot de circulation du commerce entre deux économies.

Le tout est à insérer dans un calcul plus large englobant la balance des paiements, qui comptabilise le flux des biens et des services, mais aussi des transferts de capitaux et autres flux financiers (ce qui inclut la constitution des réserves de capitaux des pays et le financement de l’énorme dette américaine). Mais on risque de s’égarer.

Pour revenir à la balance commerciale, pour les pays à économie très développée comme les États-Unis, les analystes soutiennent qu’un solde déficitaire peut aussi indiquer que la production à forte intensité de main-d’œuvre est transférée à l’étranger, ce qui permet ainsi de limiter l’inflation et de maintenir un niveau de vie élevé. L’effet s’en trouve exacerbé si ces pays jouissent d’un différentiel de taux de change favorable, voire d’une devise forte. Enfin, les composants et la configuration du commerce extérieur entre deux économies sont à ajouter à l’équation. On a vu l’importance du poids du secteur énergétique dans les échanges entre le Canada et les États-Unis.

En conclusion

Vous avez bien raison. Les données sur la balance commerciale doivent être analysées en conjonction avec d’autres indicateurs économiques, comme le taux de chômage, le taux d’inflation, les investissements étrangers et la productivité pour obtenir une vision plus complète de l’état de santé économique d’un pays.

Et si l’on situe le tout dans le cadre d’un accord de libre-échange, il en résulte un repositionnement des contributions de chaque partenaire au sein des chaînes d’approvisionnement entre les pays signataires afin d’optimiser les gains de productivité et d’efficience. On s’en doute, ce redéploiement des ressources productives se veut salutaire et bénéfique pour les multinationales, comme c’est le cas notamment dans l’industrie automobile en Amérique du Nord.

En fait, pour revenir à l’étude de la Banque Nationale, 60 % des 35 plus grandes industries américaines engagées dans un commerce bilatéral avec le Canada affichaient à la fin de 2024 un surplus commercial, alors que seulement 25 % des grandes industries américaines se retrouvent en situation de surplus lorsqu’elles font des affaires avec le reste du monde.

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