Quelle est la puissance électrique en jeu dans l’entente avec Terre-Neuve-et-Labrador?

Ce jeudi, le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador ont signé une entente de principe sur la production hydroélectrique au Labrador. Avec cet accord, Hydro-Québec s’assure un accès à long terme à l’énergie de la centrale Churchill Falls. Des projets de développement hydroélectrique sont aussi échafaudés.
À terme, le Québec aura accès à 7200 mégawatts (MW) du Labrador, soit 50 % de plus qu’aujourd’hui. Que cela représente-t-il dans le grand panier énergétique québécois ?
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Prolonger l’accès à Churchill Falls
D’abord, rappelons qu’Hydro-Québec achète depuis plus de 50 ans la majorité de la production du complexe de Churchill Falls, situé sur le fleuve du même nom. Le prix payé pour cette énergie — 0,2 cent le kilowattheure (kWh), non indexé — est extrêmement bas. Au fil des décennies, St. John’s a plusieurs fois contesté sans succès ce contrat devant les tribunaux.
L’expiration de l’entente, prévue en 2041, motive les délicates négociations, qui franchissent un jalon majeur cette semaine.
Jusqu’à présent, Hydro-Québec achète 4800 MW d’électricité de la centrale de Churchill Falls, qui est d’une puissance totale de 5300 MW. Cela représente 15 % de la puissance moyenne nécessaire pour alimenter le Québec en plein mois de janvier. À terme, l’entente de principe prévoit que le Québec achète 3700 MW de la puissance de Churchill Falls, soit un cinquième de moins qu’actuellement. Ce recul sera toutefois entièrement compensé par de nouveaux projets de développement au Labrador, qui entreront en service au courant des 10 prochaines années.
Bonifier la centrale existante
À ce chapitre, l’entente stipule que les partenaires rehausseront de 550 MW la puissance de la centrale existante de Churchill Falls. Pour y arriver, ils procéderont à la « mise à niveau » des 11 groupes turbine-alternateur. Cet équipement — plus moderne — sera capable de livrer davantage de puissance sans requérir un plus grand réservoir.
Ce premier bloc de puissance supplémentaire commencera à arriver relativement rapidement : entre 2028 et 2038, au prix d’investissements de 1,5 milliard de dollars.
L’entente de mercredi est « majeure », dit Simon Langlois-Bertrand, associé de recherche à l’Institut de l’énergie Trottier. « Avec l’accroissement prévu de la capacité, Churchill Falls sera l’une des plus grandes centrales d’Hydro-Québec, et même l’une des plus grandes centrales hydroélectriques dans le monde. »
Première nouvelle centrale : CF2
À proximité de la centrale actuelle de Churchill Falls, une nouvelle centrale- CF2 » — devrait également être bâtie. Grâce à deux groupes turbine-alternateur, elle générera 1100 MW, dont 90 % iront à Hydro-Québec. Date prévue de mise en service : 2035.
Avec cette centrale à 3,5 milliards de dollars, qui puisera dans le réservoir existant, sans besoin de nouveau barrage, la société d’État québécoise obtiendra presque autant de puissance que celle exportée vers la ville de New York dès 2026.
La centrale CF2 en sera une de taille moyenne au sein de parc hydroélectrique d’Hydro-Québec. Elle offrira une puissance comparable à Outardes-3, sur la Côte-Nord.
Deuxième nouvelle centrale : Gull Island
L’entente de principe prévoit aussi la construction d’une autre centrale beaucoup plus importante, en aval du fleuve Churchill. Il s’agit du projet Gull Island, dont le potentiel est évoqué depuis des années. Avec au moins cinq groupes turbine-alternateur, pour une capacité totale de 2250 MW (dont 90 % pour Hydro-Québec), cette centrale entrera dans la cour des grands, aux côtés des centrales les puissantes du Québec (LG-3, LG-4 et Robert-Bourassa).
Située à environ 100 km au sud-ouest de la ville de Happy Valley-Goose Bay, la centrale de Gull Island sera installée au fil de l’eau. Elle doit comprendre un nouveau barrage ainsi qu’un réservoir, dont la longueur est estimée à 230 km. Gull Island coûtera 20 milliards et doit entrer en service en 2034 et 2035.
Un quart des besoins d’ici 2035
En somme, la puissance labradorienne obtenue par Hydro-Québec passera de 4800 MW aujourd’hui à 7200 MW en 2035 : une augmentation de 2400 MW. Le Québec aura également une option pour acheter la puissance excédentaire dont Terre-Neuve-et-Labrador n’aura pas besoin.
Selon le plus récent plan d’action d’Hydro-Québec, la société d’État aura besoin de 60 térawattheures supplémentaires d’énergie en 2035, ce qu’elle associe à un ajout de puissance de 8000 à 9000 MW.
Déjà, une feuille de route visait à combler ces besoins. L’entente avec St. John’s s’y ajoute.
Ce seront donc plus de 11 000 MW additionnels qui seront disponibles à l’horizon 2035, indique Hydro-Québec. Évidemment, l’entente évite aussi l’énorme déficit énergétique qu’aurait provoqué la fin de l’accès québécois à Churchill Falls.