L’église Saint-Jean-Baptiste achetée par la Ville de Québec pour 175 000$

L’église Saint-Jean-Baptiste, un des joyaux religieux les plus brillants de Québec, passe dans le giron de la Ville. Le maire Bruno Marchand a annoncé lundi que le bâtiment patrimonial deviendrait public pour la somme de 175 000 $.
« Nous avions profondément à coeur cette action-là, qui répond à un engagement de campagne, a-t-il souligné sur le parvis du lieu de culte, qui a connu sa dernière messe le 24 mai 2015. Inaccessible au public depuis cette ultime cérémonie, l’église Saint-Jean-Baptiste naviguait de promesses d’achat en transactions avortées depuis bientôt une décennie. Maintenant que la Ville se porte acquéreuse de l’édifice, la fin d’une longue saga apparaît enfin à l’horizon, au grand soulagement du faubourg auquel le lieu de culte donne son nom.
« L’église, c’est véritablement le coeur du quartier, souligne Mélissa Coulombe-Leduc, conseillère du district de Cap-aux-Diamants. C’est un symbole visible de partout, peu importe d’où vous arrivez en ville, et, depuis sa fermeture, les gens avaient l’impression d’avoir perdu ce noyau-là. »
Le faubourg Saint-Jean-Baptiste est un des plus densément peuplés de Québec, mais les lieux de rassemblement y demeurent rares — à tel point que le conseil de quartier doit aller dans Montcalm pour tenir ses réunions.
La Ville entend donner suite au rapport qu’elle a commandé à l’Institut canadien de Québec (ICQ), qui recommandait de donner une vocation communautaire, culturelle et touristique à l’église érigée sur les ruines de sa prédécesseure, partie en flammes en 1881. Déjà, plusieurs organismes du quartier font la file pour investir les lieux, à l’instar de la Société Saint-Vincent de Paul, qui se dit à l’étroit dans ses locaux de la Maison Mère-Mallet.
« Nos besoins évoluent, explique Michel Pouliot, président de la conférence Saint-Jean-Baptiste de la Société. Notre bail a été prolongé d’un an, mais on nous a demandé de partir en septembre 2025. » Le retour du comptoir alimentaire à l’intérieur de l’église, ajoute-t-il, sera salutaire devant la hausse de la demande. « En décembre, nous accueillions 120 personnes. En mars, c’était 150 et maintenant, c’est rendu à 200. »
Occupation rapide de l’église
La Ville veut agir vite pour que la communauté reprenne ses droits à l’intérieur de l’église patrimoniale qui trône sur la haute-ville. « Nous voulons commencer l’occupation temporaire transitoire le plus rapidement possible, explique Mélissa Coulombe-Leduc. Je ne peux pas vous dire quand exactement, mais nous pouvons parler de mois [parce que] c’est documenté qu’il n’y a rien de pire pour un bâtiment patrimonial que de ne pas être occupé. »
La transaction doit encore se concrétiser avant que les portes de l’église puissent ouvrir au public. L’acte de vente prévoit que la fabrique cède l’église au coût symbolique d’un seul dollar. La Ville déboursera toutefois 175 000 $, soit environ 100 000 $ pour assumer les frais d’entretien déboursés par la fabrique au cours de la dernière année et ceux à venir jusqu’à ce que Québec en devienne officiellement responsable. Les coffres municipaux épongeront également les frais juridiques engagés par la fabrique dans la poursuite d’une transaction avec la communauté copte orthodoxe, qui a manifesté son intérêt envers le lieu de culte cet hiver, avant de se désister au début de l’été.
« C’est un beau dénouement, souligne Serge Savaria, le président de l’Assemblée de la fabrique de Saint-Jean-Baptiste, à propos de la nouvelle d’abord rapportée par Radio-Canada. Ça fait huit ans que nous attendons que ça bouge. »
Québec n’avait pas mis en oeuvre la transaction à cette époque puisqu’elle voulait d’abord terminer les études entamées pour connaître l’état du bâtiment et ses possibles usages.
Nouvelle vocation
L’administration de Bruno Marchand avait promis de régler le sort de l’église Saint-Jean-Baptiste au cours de son premier mandat. La Ville avait mandaté en 2021 l’Institut canadien de Québec pour explorer les vocations à donner au bâtiment. Elle avait demandé à la firme Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT) d’explorer la faisabilité des nouveaux usages promus par l’ICQ.
Le rapport de RCGT indiquait que les nouvelles activités culturelles et communautaires pourraient engendrer des revenus compris entre 600 000 $ et 1,1 million de dollars par année. Il mentionnait également que le coût de réfection et d’entretien de l’église pouvait s’élever à 34 millions de dollars sur 15 ans.
La Ville n’entend pas faire cavalière seule pour assumer cette facture. Ottawa se dit prêt à prendre en charge une partie des coûts pour redonner du lustre à la bâtisse. « La bonne nouvelle, ajoute la conseillère Mélissa Coulombe-Leduc, c’est que nous avons accès à des enveloppes du Conseil du patrimoine religieux du Québec pour pouvoir réaliser les travaux. » La structure demeure « très bonne », selon l’élue, et le chantier concerne surtout « les fenêtres, la toiture et certains ornements intérieurs qui doivent être refaits ».
Pour la fabrique, ce dénouement représente un « soulagement financier » certain.
« Imaginez, huit ans à 100 000 $ par année… avance Serge Savaria, de la fabrique. Nous avions en plus l’obligation d’assumer 5 % des sommes investies par d’autres ordres de gouvernement en réparation. Ça pouvait monter assez rapidement. »
« Pour nous, c’est la meilleure solution, souligne-t-il. C’est une institution qui cède un de ses joyaux à une autre institution. Ce serait très surprenant que le culte se poursuive dans une église qui se trouvera entre les mains de la Ville, mais, au fur et à mesure que les intérêts citoyens se manifestaient quant à la vocation que la communauté souhaitait lui donner, il était de plus en plus clair que la Ville devenait la mieux placée pour répondre à ces attentes. »