Drainville et Carmant veulent davantage de naloxone dans les écoles

Réagissant au dossier du Devoir sur l’accès inégal à la naloxone dans les écoles secondaires du Québec, les ministres de l’Éducation et des Services sociaux disent vouloir « travailler ensemble » pour remédier à la situation. Ils entendent également questionner la Santé publique sur sa ligne directrice, datant de 2019, qui ne recommande toujours pas la distribution universelle de cet antidote contre les surdoses d’opioïde dans les établissements d’enseignement.
« Évidemment, la présence de drogue dans nos écoles nous inquiète. Nos écoles doivent être des milieux sécuritaires », écrivent les cabinets de Bernard Drainville et de Lionel Carmant dans une déclaration commune envoyée au Devoir en fin de journée jeudi. « Les deux ministres travaillent ensemble et sont d’avis que des trousses de naloxone devraient être davantage présentes et disponibles dans les établissements scolaires afin de réagir rapidement en cas de surdose. »
« Le ministre Carmant veut d’ailleurs en discuter avec la Santé publique afin de mieux comprendre leur position », concluent-ils.
Les cabinets des ministres Drainville et Carmant réagissaient à la publication de deux articles dans Le Devoir, qui révélaient que malgré les préoccupations des milieux scolaires et l’augmentation du nombre de surdoses dans la population, Québec n’avait toujours pas mis à jour sa ligne directrice. On y apprenait également que 61 % des écoles pour lesquelles Le Devoir avait pu obtenir des données s’étaient elles-mêmes équipées de trousses de naloxone. En incluant les écoles dont les centres de services scolaires n’avaient pas d’informations ou n’avaient pas répondu au Devoir, ce chiffre diminuait à 41 %.
Un père déçu
Christian Boivin, le père du jeune Mathis, décédé par surdose en décembre 2023 à l’âge de 15 ans, croit qu’il faut un plan d’action clair pour équiper l’ensemble des écoles de naloxone. « Je ne trouve pas ça normal que ce ne soient pas toutes les écoles qui en aient [des trousses de naloxone] », a-t-il affirmé en entrevue au Devoir mercredi. « Ça va dans le sens du rapport de la coroner de la semaine dernière qui est sorti sur le décès de Mathis. Elle disait que c’était à géométrie variable [les efforts de prévention dans les écoles]. Je trouve que c’est pareil. La naloxone, on s’entend, ce n’est pas quelque chose qui est difficile à acquérir et à utiliser. »
Ce père endeuillé, qui milite depuis pour sensibiliser la population aux dangers des surdoses, disait mercredi être entré en communication avec l’attaché de presse du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, « pour avoir son avis et en discuter avec lui ». Il souhaitait que le ministre prenne position dans ce dossier, comme il l’a fait dans le dossier de la laïcité, par exemple.
La tête dans le sable
Le spécialiste en dépendances de l’Université de Montréal, Jean-Sébastien Fallu, abonde dans le même sens. Il croit lui aussi que l’ensemble des écoles devraient être équipées de trousse de naloxone. « À mon avis, c’est une nécessité de base. C’est comme les défibrillateurs, il devrait y en avoir partout. »
Il reconnaît qu’il y a peu de surdoses qui surviennent dans les écoles et que les trousses seraient donc probablement peu utilisées. « Mais ce n’est pas parce que ça n’arrive pas souvent que ça n’en prend pas », tranche-t-il.
Il constate également que l’approche de réduction des méfaits, qu’il préconise, est un sujet « tabou et stigmatisé », surtout lorsqu’on parle de mineurs. Et pas qu’au Québec, à l’échelle de la planète, explique-t-il. « Au nom de la protection de la jeunesse, on ne les protège pas. C’est assez absurde et ironique, mais c’est ça. »
Selon lui, il ne fait aucun doute que Québec devrait revoir ses lignes directrices en matière de distribution de naloxone dans les écoles, qui date de 2019. « Le marché a beaucoup évolué depuis six ans », explique-t-il.
Mais il faut aller plus loin et revoir la façon de faire de la prévention dans les écoles, plaide-t-il. « La position que je défends, c’est que la drogue, ça existe — c’est comme le sexe — chez les jeunes. Et il faut arrêter de se mettre la tête dans le sable. Ça, ça veut dire mettre de la naloxone dans toutes les écoles, ça veut aussi dire d’avoir un contenu obligatoire, comme pour la sexualité. »
Selon lui, c’est une « évidence absolue » qu’il faut aller dans ce sens. « Je gagerais tout mon salaire à vie qu’un jour on va arriver là : on l’a fait, ce chemin-là, avec le sexe », dit-il, rappelant comment les curés ont longtemps tenté d’interdire la sexualité chez les jeunes. « On a cheminé et, maintenant, on ne fait plus ça. Et on a maintenant un programme national qui parle de plaisir et de consentement, qui parle de ça comme n’importe quel autre sujet. Et je pense qu’il faut faire exactement la même chose avec les drogues. »