Donald Trump, une menace de plus pour les milieux marins?

Les baleines noires sont menacées par l’activité humaine. Sans mesures de protection dans les eaux canadiennes et américaines, elles risquent de disparaître.
Photo: Alexandre Shields Le Devoir Les baleines noires sont menacées par l’activité humaine. Sans mesures de protection dans les eaux canadiennes et américaines, elles risquent de disparaître.

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La nouvelle présidence Trump risque de faire peser des menaces supplémentaires sur les milieux marins, déjà aux prises avec les crises du climat et de la biodiversité. C’est ce que redoute une experte, qui s’inquiète notamment des impacts sur des espèces très menacées, comme la baleine noire, dont la protection nécessite des mesures strictes au Canada et aux États-Unis.

« Le retour de Trump, c’est un véritable casse-tête pour la protection des baleines noires et pour la conservation marine en général », résume Lyne Morissette, grande spécialiste des mammifères marins et du fonctionnement des écosystèmes.

Il faut dire que le président assermenté lundi a promis de s’attaquer sans détour aux réglementations environnementales. Il a aussi évoqué des compressions à l’Agence de protection de l’environnement et à l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (la NOAA, en anglais), qui pilote de nombreux projets scientifiques en matière de climat et de biodiversité.

« Il a toujours eu une approche opposée à la science environnementale. On l’a vu pendant son premier mandat, avec son retrait de l’Accord de Paris, son démantèlement des régulations de l’Agence de protection de l’environnement et son soutien aux industries polluantes. Si cette dynamique reprend, on peut s’attendre à ce qu’il affaiblisse encore les protections des espèces marines », explique-t-elle.

Photo: Clearwater Marine Aquarium Research Institute, sous permis NOAA #26919 À peine six naissances de baleineaux de baleines noires ont été recensées jusqu’à présent dans la saison des naissances, dont celle-ci, d’une femelle connue depuis 45 ans.

Baleines en péril

Mme Morissette redoute notamment les conséquences pour la baleine noire. Selon elle, l’opposition trumpienne à la réglementation « risque non seulement de rendre la survie de cette espèce encore plus compliquée, mais aussi de compromettre tous les efforts de conservation qui ont été mis en place, que ce soit aux États-Unis ou à l’échelle internationale ».

Les baleines noires sont classées « en voie de disparition » en vertu de la Loi sur les espèces en péril du Canada. Cette population compte tout au plus environ 370 individus (dont tout au plus 70 femelles en âge de se reproduire), et une part importante de celle-ci passe une partie de l’année en eaux canadiennes avant de migrer le long de la côte est américaine lors de la saison hivernale.

Ces animaux, portés au seuil de l’extinction par la chasse commerciale, sont aujourd’hui surtout menacés par les empêtrements dans les engins de pêche et les collisions avec les navires, les deux principales causes des décès qui menacent la survie de l’espèce. Son taux de reproduction demeure d’ailleurs très faible, en bonne partie à des causes des impacts sur la santé des femelles. À peine six naissances ont été recensées jusqu’à présent cette année en eaux américaines. Sans suivi scientifique et sans mesures pour réduire les mortalités, l’espèce est donc pour ainsi dire condamnée.

Les baleines noires font d’ailleurs l’objet de mesures de protection au Canada et aux États-Unis, en vertu d’une législation américaine : le Marine Mammal Protection Act (MMPA). Cette loi remontant à 1972 impose entre autres à l’industrie de la pêche, des États-Unis ou d’ailleurs, de démontrer que ses activités ne mettent pas en péril les mammifères marins. Si cette démonstration n’est pas faite, les Américains sont en droit de « bannir les importations » des produits de la pêche.

À la suite du décès de 12 baleines noires dans les eaux canadiennes en 2017, le Canada avait dû mettre en place dès 2018 des mesures saisonnières de ralentissement des navires et des fermetures de zones de pêche dans le golfe du Saint-Laurent en cas de présence de baleines noires. Ces mesures sans précédent avaient été prises pour respecter les dispositions du MMPA afin de préserver l’accès à un marché essentiel aux pêcheurs du Canada.

Océans et climat

Qu’adviendra-t-il du MMPA sous Donald Trump ? Lyne Morissette craint d’éventuels affaiblissements. « Pour les États-Unis, un gouvernement Trump pourrait vraiment se “tirer dans le pied” s’il se met à affaiblir les protections, car, comme le MMPA le montre, des pays comme le Canada pourraient en tirer avantage en démontrant que leurs régulations sont plus rigoureuses. »

« Mais même si on sort gagnant sur ce plan-là, cela ne résout pas le vrai problème : la dérégulation des protections marines sous un gouvernement Trump va empirer la situation pour la biodiversité en général, et pas uniquement aux États-Unis, puisque les espèces ne connaissent pas les frontières », ajoute-t-elle, en évoquant un large éventail d’espèces de mammifères marins, mais aussi de poissons.

Plusieurs experts de la protection des milieux marins ont exprimé leurs craintes des impacts d’un deuxième mandat de Donald Trump. Après tout, la longueur totale des côtes américaines est de 19 924 km, et le pays dispose de la plus grande zone économique exclusive (espace maritime) au monde.

Or, non seulement le président veut sabrer les règles qui protègent les milieux naturels et ouvrir de nouvelles zones marines à l’exploration pétrolière et gazière, mais il a signé un décret dès le premier jour pour signifier le retrait américain de l’Accord de Paris. Toutes ces décisions risquent d’avoir des conséquences sur les milieux marins.

Rappelons que les océans de la planète produisent 50 % de nos besoins en oxygène, absorbent 25 % de toutes les émissions de CO₂ et capturent 90 % de la chaleur supplémentaire générée par ces émissions.

Une « baleine urbaine »

La baleine noire de l’Atlantique nord peut atteindre une taille de 18 mètres et un poids de plus de 60 tonnes. Chaque individu est reconnaissable aux taches blanches uniques qu’il porte sur sa tête, appelées callosités. Il s’agit d’une espèce qui se nourrit essentiellement de copépodes, de petits crustacés qu’elle filtre à l’aide de ses fanons.

La baleine noire est parfois qualifiée de « baleine urbaine » puisqu’elle vit près des côtes américaines, notamment lors de la période de mise bas, au large des États américains de la Géorgie et de la Floride. Cela la rend particulièrement vulnérable aux collisions avec les navires et aux empêtrements dans les engins de pêche.

La baleine noire, appelée « right whale » en anglais, a été décimée par des siècles de chasse commerciale. Elle était une cible privilégiée des baleiniers parce qu’elle flotte une fois morte et qu’elle fournit une bonne quantité de graisse, que l’on faisait fondre pour produire de l’huile.

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