Avoir dit non à Gilbert Rozon, ça a eu «zéro impact»

« J’ai dit “Non. Arrête. Qu’est-ce que tu fais ? À quoi tu penses ?”. » Ce sont les mots qu’une femme soutient avoir lancés tour à tour à Gilbert Rozon lorsqu’il se serait jeté sur elle, dans sa chambre d’hôtel en France, alors qu’elle n’avait que 18 ans. Mais cela a eu « zéro impact sur lui », a-t-elle dit lundi au procès civil de l’ex-grand patron de Juste pour rire, poursuivi par neuf femmes pour agressions sexuelles.
C’est Chloé Giroux-Lachance qui a ainsi témoigné dans une salle de cour du palais de justice de Montréal, là où se déroule le procès de l’homme de 70 ans depuis le mois de décembre.
Elle ne poursuit pas en dommages M. Rozon, mais elle a été appelée à témoigner par les avocats des demanderesses, afin de démontrer le modus operandi de l’homme et pour renforcer la crédibilité des témoignages de celles qui lui réclament un total de 14 millions.
M. Rozon nie ce qu’elles lui reprochent et offrira sous peu sa version des faits.
Chloé Giroux-Lachance avait 18 ans quand elle a accompagné le conjoint de sa mère, l’architecte Luc Laporte, à Séville pour l’exposition universelle de 1992. Le voyage était à l’invitation de Gilbert Rozon, qui le remerciait ainsi pour son travail réalisé au Musée Juste pour rire. M. Laporte devait emmener sa conjointe, mais puisque celle-ci ne pouvait pas y aller, il fut décidé que Chloé irait découvrir l’Europe pour la première fois. M. Rozon était accompagné de son épouse à l’époque, Danielle Roy.
Ils habitaient tous les quatre dans une villa à Séville, louée pour l’occasion.
Mme Giroux-Lachance a témoigné s’être réveillée une nuit et avoir vu Gilbert Rozon flambant nu dans le cadre de la porte de sa chambre. Elle a rapporté ne pas avoir su comment réagir et avoir donc fait semblant de dormir. Cela s’est produit à deux ou trois occasions lors du voyage, a-t-elle déclaré. Cette histoire rappelle celle relatée au procès par la demanderesse Guylaine Courcelles.
Lors du voyage, M. Laporte lui aurait dit de « faire attention à Gilbert », une mise en garde qu’elle a ignorée à ce moment.
Vers la fin du séjour en Europe, le quatuor a dormi dans la ville de Perpignan, en France : le lendemain, ils devaient se lever tôt pour se rendre dans une autre ville afin de célébrer l’anniversaire du chanteur Charles Trenet. La femme se rappelle que quelqu’un a cogné à sa porte tôt le matin et qu’elle a ouvert en panique, croyant ne pas s’être réveillée à temps et craignant de retarder tout le groupe. Mais c’était Gilbert Rozon.
Selon sa version, il s’est collé et s’est mis à se frotter sur elle et à la toucher un peu partout. Elle lui a dit d’arrêter, mais cela ne l’a pas freiné : « Je crois que mon refus l’excitait. » Puis il l’aurait poussée sur le lit et serait allongé sur elle, en ouvrant son pantalon.
Selon son témoignage, elle l’a averti qu’elle allait crier, ce qu’elle a fait. « Ça l’a arrêté. » Il s’est relevé et s’est rhabillé avant de lui dire : « Ah, de toute façon, j’étais trop excité, ça n’aurait pas duré longtemps. »
Il a ouvert la porte de la chambre pour sortir, et sa femme se tenait derrière : elle a dit : « Gilbert Rozon » d’un ton accusateur et fâché, a rapporté Mme Giroux-Lachance. Il y aurait alors eu une dispute et des pleurs.
Son voyage a été écourté, dit-elle, car elle est rentrée plus tôt que prévu avec M. Laporte, vu ce qui s’était passé. Mais avant son départ, Mme Roy est venue la questionner sur ce qui s’était passé. « Pour savoir à qui elle avait affaire », a relaté Mme Giroux-Lachance.
En contre-interrogatoire, l’un des avocats de M. Rozon, Me Laurent Debrun, a tenté de remettre en question sa version des faits, en lui demandant notamment si sa femme, Danielle Roy, lui avait fait des remontrances sur son comportement envers M. Rozon. Non, a répondu Chloé Giroux-Lachance.
Puis l’avocat lui a lancé cette question : « En 1992, étiez-vous amoureuse de M. Rozon ? » « Absolument pas », a-t-elle répondu sans hésiter.