Deux élus d’English-Montréal ont déjà été suspendus à la suite de plaintes en matière d’éthique

Le président de la Commission scolaire English-Montréal (CSEM), Joe Ortona, qui fait partie des élus scolaires visés par des plaintes reliées à la dernière campagne ayant mené aux élections scolaires du 3 novembre, avait été suspendu à l’aube de la pandémie pour une violation au code d’éthique de l’organisation. Le commissaire Julien Feldman l’a pour sa part été à deux reprises dans les dernières années, en plus d’avoir fait l’objet de plusieurs réprimandes, a constaté Le Devoir.
Le 5 janvier 2023, la Cour supérieure a rendu une décision dans une affaire opposant Joe Ortona, de la CSEM, et Sylvia Lo Bianco, une ancienne commissaire scolaire. Le président de la CSEM s’était rendu devant cette instance pour tenter de faire annuler une suspension de deux semaines qui lui avait été imposée à la suite d’une plainte effectuée par Mme Lo Bianco pour violation du code d’éthique et de déontologie des membres du conseil des commissaires.
Cette plainte avait été formulée à l’encontre de M. Ortona après que ce dernier eut exprimé, lors d’une assemblée publique du conseil des commissaires tenue le 9 décembre 2018, « des critiques sévères et même des propos offensants » à l’endroit de Mme Lo Bianco, qui était absente de cette réunion filmée. Le commissaire à l’éthique de la CSEM, Anthony Battah, a par la suite jugé, en février 2020, que M. Ortona n’avait pas agi de façon « diligente et respectueuse » à l’endroit de Mme Lo Bianco. Il a ainsi recommandé une suspension de deux semaines du commissaire, qui s’est tourné vers la Cour supérieure du Québec.
Joe Ortona a échoué à casser le jugement de sa suspension devant cette instance judiciaire, le juge Marc St-Pierre ayant rejeté sa demande de pourvoi en contrôle judiciaire. Le commissaire s’est alors ensuite tourné vers la Cour d’appel, qui a à son tour rejeté, le 15 mars 2023, la demande d’autorisation d’appel du jugement de la Cour supérieure dans ce dossier.
M. Ortona a décliné nos demandes d’entrevue.
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Six plaintes
Le Devoir a par ailleurs trouvé six rapports remplis par le commissaire à l’éthique de la CSEM à la suite de plaintes ayant visé Julien Feldman depuis qu’il a été élu pour la première fois comme commissaire scolaire, en novembre 2007.
Ces six plaintes, qui excluent les deux qui ont été formulées contre lui en marge des élections scolaires du 3 novembre dernier, ont toutes été jugées fondées par le commissaire à l’éthique de la CSEM. Quatre d’entre elles ont mené à des réprimandes, tandis que les deux autres ont entraîné sa suspension pendant une période d’un mois, puis d’une semaine.
« Il apparaît que M. Feldman croit que les personnes qui ne sont pas d’accord avec lui ignorent la loi et les règlements, et ne sont pas intelligentes », écrivait la commissaire à l’éthique Madeleine Lemieux le 9 août 2010, au terme du traitement d’une plainte qui avait été rédigée par un parent d’une école de la CSEM. Elle avait alors recommandé qu’une « réprimande » lui soit adressée, après avoir rappelé dans son rapport que « les insultes et les accusations ne sont pas acceptables dans un débat normal » et que les comportements de M. Feldman n’avaient pas été « dignes » de son rôle de commissaire élu.
Le commissaire avait déjà reçu une réprimande quelques mois plus tôt, le 30 avril 2010, pour avoir terni la réputation d’un de ses collègues. Il écopa ensuite de la même sanction à deux reprises, en 2012 et en 2013, pour avoir manqué de respect à d’autres commissaires élus et avoir atteint à leur réputation.
Or, « l’imposition d’une pénalité a, parmi d’autres, l’objectif de dissuasion avec une personne ayant commis un acte dérogatoire et la nature exemplaire avec les autres commissaires », écrivait dans une décision rendue le 30 juin 2014 la commissaire à l’éthique Michèle St-Onge. Un objectif que les quatre réprimandes adressées à M. Feldman n’ont pas permis d’atteindre, a-t-elle alors constaté, avant de recommander une pénalité « plus sévère », soit une suspension d’un mois du commissaire élu.
Cette suspension a été imposée à la suite d’une plainte qui avait été rédigée par l’ancien directeur général de la CSEM, Robert Stocker, qui déplorait le fait que M. Feldman avait laissé entrer une équipe de journalistes de CBC dans les locaux administratifs de la CSEM sans en avoir eu l’autorisation.
Puis, le 21 janvier 2016, le commissaire à l’éthique Pierre Chagnon a imposé une suspension d’une semaine à M. Feldman après que ce dernier eut diffusé des informations qui devaient rester entre les mains du conseil des commissaires à des personnes n’étant pas membres de celui-ci, faisant ainsi preuve d’un « manque de prudence » qui lui a valu cette pénalité.
Un poste controversé
Julien Feldman a depuis été réélu au sein du conseil des commissaires, le 3 novembre dernier, de même que l’ensemble des candidats de l’équipe de Joe Ortona. Il occupe par ailleurs actuellement le poste de vice-président du comité de gouvernance et de déontologie de la CSEM. Ce comité formule notamment des recommandations au conseil des commissaires concernant des changements et corrections à apporter au code d’éthique, sur la base duquel six plaintes ont été formulées à l’endroit de M. Feldman au cours des dernières années.
« J’ai le droit de demander à partir de combien est-ce que c’est trop quand on parle de violations [au code d’éthique] où l’on ne respecte pas les gens, [où l’on] ternit leur réputation, ment ou agit de mauvaise foi », lance Shalani Alisharan Bel, une candidate défaite de l’équipe de Katherine Korakakis. Mme Bel a déposé une plainte en matière d’éthique à l’encontre de Julien Feldman, dans laquelle elle accuse ce dernier d’avoir terni sa réputation, en la qualifiant d’antisémite, pendant la campagne qui a précédé les dernières élections scolaires.
« Les élus peuvent avoir une opinion, mais s’il a agi de façon non éthique pendant la campagne, il ne devrait pas siéger au comité d’éthique une fois élu », dit pour sa part un autre candidat défait dans la même équipe, Howie Silbiger.
Mme Korakakis souligne pour sa part le manque de règles en place, selon elle, pour éviter que des commissaires ayant fait l’objet de nombreuses plaintes en éthique puissent continuer de présenter leur candidature aux élections scolaires.
Julien Feldman a décliné notre demande d’entrevue.