«Le désespoir des anges», Henry Kénol

Lors d’un entretien avec sa patronne actuelle, une jeune femme revient sur les douze dernières années de sa vie, véritable chute en enfer alors qu’elle était pourtant, enfant, nourrie du rêve d’accéder à l’enseignement supérieur. Tombant dans les bonnes grâces du premier chef des gangs armés, elle voit et incarne ensuite la cruauté extraordinaire de ceux qui n’ont rien à perdre, de ceux que le système a déjà brisés. « Telle était ma haine : sans limites et malgré tout, gagnant chaque jour du terrain sur l’infini », conclut-elle après s’être remémoré son premier viol, perpétré par un jeune riche et ses amis. D’abord paru en 2009 en Haïti, ce roman bâti sur des témoignages reflète toujours autant l’actualité du pays natal de l’auteur : si les gangs de rue faisaient rage au début du millénaire, les dernières années ont été tout aussi sanglantes et dévastatrices pour ce peuple tantôt impuissant, tantôt solidaire. Bouleversant par son réalisme, déstabilisant par la nuance et la lucidité de l’héroïne, ce texte met brutalement le lecteur québécois face à sa posture outrageusement privilégiée.