Québec réévalue 170 millions en contrats avec Amazon, les députés boycottent

Pendant que Québec cherche à s’affranchir des 170 millions en contrats qu’il a avec le géant américain Amazon, des élus de l’Assemblée nationale tournent le dos à Netflix, à Disney+ et aux framboises des États-Unis.
En mêlée de presse à Québec mercredi, le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, Éric Caire, a confirmé que son gouvernement avait commencé à passer au peigne fin ses contrats « actifs » avec Amazon, après que l’entreprise a pris la décision de fermer l’ensemble de ses entrepôts québécois il y a deux semaines. « La volonté de s’émanciper des technologies américaines est là », a-t-il soutenu devant la presse parlementaire.
Au Salon rouge, la veille, le premier ministre François Legault s’en était pris à la multinationale en affirmant : « il n’y a rien dont je rêverais de plus que de remplacer Amazon ». Québec dénombre une cinquantaine de contrats d’une valeur de 170 millions de dollars avec l’entreprise de Jeff Bezos, la plupart avec la filiale Amazon Web Services, qui fournit des services et des infrastructures d’infonuagique, a expliqué le ministre Caire.
À Québec, le président et chef de la direction de l’entreprise Micrologic, Stéphane Garneau, a entendu le message du premier ministre. « C’est mon plus grand rêve aussi [de remplacer Amazon] », a-t-il dit au Devoir mercredi. « Ça fait dix ans qu’on bâtit un cloud québécois, on a l’impression de ne pas être entendus quand on voit [les contrats] qui sont envoyées aux Américains », a-t-il ajouté.
Sa compagnie, spécialisée en infrastructures et en centres de données, est plus que prête à prendre le relais d’Amazon ou de Microsoft, a-t-il attesté. Les seuls ingrédients manquants, à son avis, sont « un vouloir politique » et un « éveil collectif », comme celui causé par la décision d’Amazon et par la crainte d’une guerre commerciale avec les États-Unis. « Est-ce qu’on est capables ? La réponse est oui. Est-ce qu’il est trop tard ? La réponse est non », a-t-il assuré.
Micrologic, qui compte des banques parmi ses clients, a toutes les qualifications sécuritaires pour reprendre les contrats gouvernementaux, a dit M. Garneau. Son entreprise a déjà des contrats d’une valeur de 50 millions de dollars avec les ministères et les organismes, a-t-il d’ailleurs souligné.
S’il souhaite comme son premier ministre que l’État se serve de ces contrats, il faudra le faire « chirurgicalement », a relativisé Éric Caire. « On fait […] l’analyse technologique parce qu’on ne peut pas nécessairement prendre des charges et envoyer ça vers une autre technologie », a-t-il ajouté. C’est ce qui était survenu lors du fiasco entourant SAAQclic, à la Société de l’assurance automobile du Québec, a-t-il rappelé. « On ne veut pas que ça se répète, sous aucune considération. »
Mot d’ordre : « boycottage »
Dans le contexte de la guerre tarifaire avec les États-Unis de Donald Trump, les tentatives d’être moins dépendant aux produits américains ne s’arrêtent pas à l’État du Québec.
Tour à tour mercredi, les élus des diverses formations politiques à l’Assemblée nationale ont raconté avoir entrepris le boycottage des produits issus du Sud. Se retirer des plateformes de diffusion numériques américaines, acheter des pommes du Québec dans les épiceries, annuler les voyages scolaires aux États-Unis : toutes les solutions sont bonnes pour mettre de la pression sur les États-Unis, ont-ils affirmé.
« Chez nous, on a annulé notre abonnement à Disney+ au grand dam des enfants », a imagé le député du Parti libéral du Québec André Fortin. « J’étais à l’épicerie hier, puis je n’ai pas pris de framboises qui venaient des États-Unis », a ajouté la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau. « Mais les bleuets du Mexique m’ont coûté plus cher ceci dit ! »
Selon un sondage Léger-Le Journal de Montréal-TVA paru mercredi, les trois quarts des Québécois ont été poussés à délaisser les produits américains depuis que Donald Trump a lancé ses menaces de tarifs douaniers de 25 % au Canada et au Mexique.
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Populaires dans les familles des parlementaires québécois, les plateformes de diffusion en ligne sont graduellement évacuées de leurs chaumières. Le député péquiste Pascal Bérubé a déjà abandonné Netflix et ses séries. Le député solidaire Alexandre Leduc y pense : « Je cherche la façon d’expliquer à ma fille pourquoi elle ne pourra plus écouter Pokémon sur Netflix », a-t-il lancé.
Le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, ne croit pas que la réflexion sur ce type de plateformes est si simple. « Je suis en train de me poser cette question-là. […] Il y a des plateformes pour lesquelles c’est évident, comme Netflix, mais il y a d’autres plateformes pour lesquelles il y a du contenu québécois aussi », a-t-il constaté.
Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a encouragé mercredi les enseignants qui avaient organisé des voyages aux États-Unis ce printemps à entreprendre « un questionnement » sur leur décision. Concernant l’achat de matériel et de nourriture des États-Unis dans le réseau scolaire, « je leur laisse le choix encore une fois », a souligné M. Drainville, précisant qu’il n’émettrait pas de directives spécifiques à ce sujet.
« Mais on est très certainement dans une phase de questionnement », a-t-il répété.