Qui succédera à Denise Filiatrault au Théâtre du Rideau vert?

À 93 ans, Denise Filiatrault tire sa révérence du théâtre du Rideau vert. Elle était à la barre de cette institution comme directrice artistique depuis 21 ans. Qui la remplacera ?
« Quand Céline Marcotte, la directrice générale, nous a annoncé son départ, explique Pierre Tessier, membre du CA du théâtre du Rideau vert, Denise Filiatrault nous a dit que c’était peut-être le bon moment pour elle aussi de faire autre chose. À son âge, on peut la comprendre. »
Les deux femmes étaient des complices depuis bien des années. Céline Marcotte était chargée de l’administration de cette institution théâtrale depuis 17 ans, après avoir travaillé auprès de la compagnie La La La Human Steps d’Édouard Lock.
Habitué du milieu, le metteur en scène et acteur René Richard Cyr salue le travail accompli par Denise Filiatrault et lui lève son chapeau. « Le Rideau vert a toujours privilégié un théâtre populaire, accessible, souvent audacieux, quelquefois exigeant. Denise Filiatrault a poursuivi ce mandat. C’est le réel souci du public qui a guidé ce théâtre. Il faut, je crois, qu’il en reste ainsi pour l’avenir. »
La metteuse en scène Brigitte Poupart, qui a signé une production au Théâtre du Rideau vert, estime que plusieurs personnes devraient prendre la direction plutôt qu’une seule. Ce serait une bonne idée, croit-elle, de profiter de ce moment de transition pour « recréer ce que Jean-Pierre Ronfard et Robert Gravel ont fait au début d’Espace libre, en y invitant trois compagnies. Les compagnies itinérantes souffrent de manque de lieux pour leur création ». Selon Brigitte Poupart, l’occasion est belle pour s’« ouvrir à différentes façons de produire et diriger les théâtres ».
Le comédien et metteur en scène Marc St-Martin a signé plusieurs productions du Théâtre du Rideau vert dans les dernières années. Son nom vient spontanément à l’esprit tant son travail est associé à cette institution. Succéder à Denise Filiatrault « n’est pas quelque chose auquel j’ai déjà pensé », dit-il en entrevue. « Je n’y ai jamais pensé, mais reste que le travail de directeur artistique, le travail avec les acteurs, est quelque chose qui me plaît. » Marc St-Martin signera le printemps prochain la mise en scène de Chers parents, une pièce d’Emmanuel et Armelle Patron qui sera la dernière placée sous la direction de Denise Filiatrault. La pièce est d’ailleurs adaptée par Danièle Lorain, sa fille.
Rentabilité
Denise Filiatrault profite ces jours-ci de la chaleur et de la quiétude d’une vie en Floride. Elle n’a pas souhaité accorder d’entrevue. Elle affirme cependant tourner cette page de sa vie « avec beaucoup d’émotion ». Elle quittera officiellement ses fonctions le 30 juin prochain, tout comme Céline Marcotte.
« Denise a toujours été préoccupée à l’idée que ce soit rentable, ce que nous faisions, ou à tout le moins que nous ne perdions pas d’argent », raconte Céline Marcotte. « Nous avons eu une belle collaboration. »
Au théâtre du Rideau vert, Denise Filiatrault a signé des dizaines de mises en scène, en ravivant par ailleurs un genre qu’elle chérit : les comédies musicales. Elle n’a pas cessé d’être présente dans le monde du théâtre depuis 1946, au point de devenir une figure emblématique de la culture populaire québécoise.
Se renouveler
Sylvie Cordeau, présidente du conseil d’administration du théâtre, affirme que ces départs sont entièrement le fait des principales intéressées. « Les deux ensemble se sont concertées. C’est sain pour une institution de se renouveler. C’est sain, mais ça se fait avec un pincement au cœur. »
Vice-présidente au secteur de la philanthropie et des commandites de Québecor, Sylvie Cordeau note au passage que son entreprise est le principal partenaire du Théâtre du Rideau vert depuis plusieurs années. Organisme à but non lucratif, le Théâtre du Rideau vert avait fait l’objet d’un sauvetage de la part de Québecor, rappelle Mme Cordeau. « J’ai dû travailler à un plan de redressement », relate pour sa part Céline Marcotte. Québecor s’engage à soutenir ce théâtre depuis 2008.
Qui assurera la suite ? « Nous partons le processus de recrutement », affirme Pierre Tessier, du conseil d’administration. Le conseil entend prendre connaissance de ce qui est disponible sur le marché des idées. « On veut voir les différentes visions possibles pour les deux postes », dit Pierre Tessier. Des nominations devraient être faites d’ici le mois de juin prochain, indique Sylvie Cordeau.
Quelle relève ?
Qui pourrait prendre la relève ? Quelques noms sont évoqués, ici et là, en coulisses, sans que personne n’ose se porter d’emblée à l’avant-plan.
Le Théâtre du Rideau vert a connu des directions de très longue durée depuis sa fondation, en 1948, par Yvette Brind’Amour et Mercedes Palomino. Guillermo de Andrea assure la direction artistique de 1992 à 2004. En 1997, Mercedes Palomino invite le comédien Serge Turgeon à se joindre à l’équipe de direction. L’ancien président de l’Union des artistes décède en 2004. C’est alors que Denise Filiatrault entre en scène, avec un souci d’atteindre un vaste public.
Au cours de son histoire, le Théâtre du Rideau vert fut un moment itinérant. Il jouait, pour ses représentations ordinaires, au théâtre Anjou, une petite salle située dans l’ouest de Montréal. Pour ses spectacles plus importants, il comptait sur le Monument-National, le théâtre St-Denis ou encore le Gesù. C’est depuis 1960 que le Théâtre du Rideau vert est installé là où il se trouve toujours, rue Saint-Denis, à la hauteur de ce qui était auparavant le quartier des carriers et des différents ouvriers affairés aux carrières de pierre grise des environs.
Le Théâtre du Rideau vert occupe depuis plus de 60 ans la salle qui était autrefois celle du théâtre Stella. Chaque année, cette institution accueille désormais environ 50 000 spectateurs.