Des décisions de Trump ont une incidence sur la protection d’une forêt en Estrie

Guy Brière au milieu de la forêt dont il était propriétaire dans Brome-Missisquoi, avant d’en faire don à un organisme de protection
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Guy Brière au milieu de la forêt dont il était propriétaire dans Brome-Missisquoi, avant d’en faire don à un organisme de protection

Le possible gel d’une subvention du gouvernement Trump crée de l’incertitude autour de la protection de la forêt Brière, un ambitieux projet de conservation en Estrie. Alors qu’il ne restait que 100 000 $ de fonds à amasser, le US Fish and Wildlife a informé Corridor appalachien, l’organisme québécois qui pilote ce projet de 16,4 millions que la subvention de 100 000 $ qu’il lui avait déjà consentie pour deux ans était « gelée ». « On a eu l’information que les fonds [déjà octroyés] étaient gelés jusqu’à nouvel ordre. Le mot utilisé est “frozen” », a confié mercredi au Devoir la directrice générale de Corridor appalachien, Mélanie Lelièvre. Selon elle, cette situation découle d’un décret de Trump visant à cesser tous les versements de subventions fédérales.

Jeudi, le lendemain, un revirement a donné une lueur d’espoir à l’organisme estrien : un message d’une responsable du US Fish and Wildlife indiquait que le processus de décaissement aurait été « envoyé au système central ». Mais l’incertitude continue de planer, déplore Mme Lelièvre. « Nous avons donc espoir, mais les signaux sont vraiment flous. Est-ce que ça va bloquer plus haut ou non, je ne sais pas. On se croise les doigts. »

En décembre dernier, Le Devoir a visité cette vaste aire forestière grande comme environ 1000 terrains de football, entre Glen Sutton et le canton de Potton, en compagnie de son propriétaire, l’homme d’affaires et amoureux de la nature Guy Brière.

Situé au cœur des montagnes Vertes du Nord, au sud de la rivière Missisquoi, ce joyau naturel joue un rôle crucial pour la biodiversité et la connectivité écologique de toute la région, qui s’étend au-delà de la frontière jusque dans l’État américain du Vermont.

Photo: Corridor appalachien La forêt Brière

Selon Corridor appalachien, « la forêt Brière abrite plus de 250 espèces floristiques et 10 espèces fauniques en situation précaire », dont la paruline du Canada et la salamandre pourpre.

Moins de 2 % à amasser

Soucieux d’en faire une aire protégée pour l’éternité, Guy Brière a accepté d’en faire don à l’organisme qui gère, conjointement avec Conservation nature Canada, l’imposant montage financier de ce projet. « C’est vraiment gros », a admis Mélanie Lelièvre.

D’une valeur de 7,4 millions, ce don écologique — et historique — de l’homme d’affaires qui a fait fortune dans le milieu de l’édition représente près de la moitié du coût total du projet, évalué à 16,4 millions. Il restait 9 millions à amasser pour, entre autres, payer les droits de mutation, les taxes foncières, les frais des employés et des professionnels — avocats, notaires, arpenteurs — ayant travaillé sur la transaction. Et, bien sûr, la TPS et la TVQ. « En conservation, c’est une obligation, on doit aussi créer un fonds pour l’intendance à perpétuité de ce territoire », précise Mme Lelièvre pour expliquer le coût élevé du projet. Les gouvernements provincial et fédéral versent des fonds publics, mais le reste doit être comblé grâce à des donateurs privés, et ce, d’ici le 31 mars.

Malgré toute l’incertitude entourant les possibles pertes de subventions et le manque à gagner actuel de 200 000 $, cela ne compromettra pas la protection de la forêt Brière, assure la directrice générale. « Oui, il manque encore de l’argent, mais avec l’équipe, on a pris la décision d’avancer et de ne plus reculer à cette étape-ci. Il y a eu trop d’efforts et on est tellement près du but, a-t-elle déclaré. Alors, on fait un peu de prise de risque. »

Certaines sommes liées à la transaction devront être déboursées un peu plus tard au printemps, ce qui laisse un petit jeu à Corridor appalachien. « Mais on va continuer la campagne tant qu’on n’a pas comblé le manque à gagner. » D’autant que les quelque 200 000 $ représentent moins de 2 % du total. Cela implique de « travailler encore fort dans les coins », reconnaît Mélanie Lelièvre. Des perches ont été tendues auprès de multiples donateurs privés. « On a bon espoir, mais on en appelle encore à la générosité des gens, il faut faire un autre tour de roue pour soutenir le projet. »

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