Décès de Dulcinée Langfelder, pionnière du multi sur scène

Succombant le 26 janvier à un cancer de l’ovaire, Dulcinée Langfelder aurait eu 70 ans le 6 février 2025.
Photo: Valérian Mazataud Archives Le Devoir Succombant le 26 janvier à un cancer de l’ovaire, Dulcinée Langfelder aurait eu 70 ans le 6 février 2025.

L’artiste multidisciplinaire Dulcinée Langfelder, qui a signé plusieurs one-woman-shows, est décédée. Celle qui a incarné avec une vivacité lumineuse Victoria, une irrésistible nonagénaire résistant à son fauteuil roulant et à l’Alzheimer, a succombé le 26 janvier à un cancer de l’ovaire.

Victoria fait partie de ces succès de création québécoise trop peu connus du grand public. Ce duo créé en 1999, joué plus de 400 fois sur scène, en anglais, en français, en espagnol, en mandarin, dans 15 pays différents, dont le Zimbabwe, était une perle tragicomique. On y craignait la mort, la vieillesse ; on y riait et on y pleurait.

Petit rat qui avait commencé à danser à 4 ans, Dulcinée Langfelder a plus tard étudié le mime à Paris, auprès du maître Étienne Decroux. Quand elle s’installe ensuite au Québec, en 1978, la New-Yorkaise se joint naturellement à la troupe Omnibus de Jean Asselin et Denise Boulanger.

Paul Buissonneau, le fondateur de La Roulotte, lui offrira, tiré de son entrepôt aux mille accessoires, un cerceau, exactement de la taille de Mme Langfelder. Ce sera son accessoire fétiche, le cœur de son premier one-woman-show, Cercle vicieux. Un spectacle qu’elle tournera au Canada, aux États-Unis et en France de 1986 à 1993, et que l’artiste de cirque Angelica Bongiovonni travaille à reprendre, selon le site Internet de la compagnie de Langfelder.

L’artiste a été parmi les premières ici à pratiquer activement, avant le nom, le multidisciplinaire. « J’ai voulu explorer, depuis le début, l’intégration de diverses cultures, de nouvelles technologies. La vie est comme un diamant, après tout : elle a plusieurs faces », disait-elle en nos pages en 2022, au moment où elle était nommée à l’Ordre des arts et des lettres du Québec.

Danse, théâtre, chant, mime, projection vidéo sont les matériaux de la dizaine de pièces, pratiquement toutes de peu d’interprètes, qu’elle a signées. Car Mme Langfelder fait souvent de faux solos : elle y est reine, soutenue par un adjuvant ou deux — souvent Jean Maheux dans les premières années —, souvent des hommes.

En 2008, la première de La complainte de Dulcinée a lieu à Tokyo plutôt qu’au Québec. En 2018, elle met ses rêves en scène dans Confidences sur l’oreiller. En 2019, elle donnait Cheek to Cheek. L’amour avec un grand C, un tour de chant sur le cancer, dont elle se savait atteinte depuis 2018.

« La mutation génétique qu’on appelle BRCA, seule chose que j’ai en commun avec Angelina Jolie, augmente de 75 % le risque du cancer du sein et de l’ovaire. Elle se trouve chez trois populations : les Islandais, les Juifs et les Québécois », écrivait-elle dans la description de cette pièce.

« Si j’ai voulu aborder le sujet de ma maladie dans une pièce, continuait-elle, c’est pour contribuer à faire connaître le cancer de l’ovaire, un des cancers les plus négligés et donc des plus mortels. »

« J’ai eu la conviction que ma voix, mon expérience, mon spectacle pourraient encourager les femmes confrontées à la maladie… et même peut-être sauver des vies ! Ce n’est pas la première fois que je me sers de l’art vivant, avec l’humour, la beauté, et de belles chansons, pour rendre l’impensable plus acceptable. Il semble bien que ce soit ce que je fais depuis toujours. »

Elle aurait eu 70 ans le 6 février 2025.

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