Notre sélection polar du mois de février

La haine
Les sept robes de Tristan Saule (pseudonyme de Grégoire Courtois) frappe fort. Roman social très noir, cruel, dans la lignée des précédents, mais évitant le piège de la redondance, cette cinquième et pénultième « Chronique de la place carrée » nous ramène entre les tours et dans les logements d’un quartier populaire fictif à forte mixité sociale. Des personnages déjà croisés viennent y faire des apparitions mais, cette fois, les projecteurs sont braqués sur Lounès, le dealer qui s’inquiète pour son territoire, et sur Léa, la journaliste indépendante. Ils se marient. Un week-end durant lequel les youyous virevoltent sans toutefois enterrer le bruit des émeutes qui secouent la France depuis qu’un policier a abattu Nahel Merzouk. L’actualité, la vraie, se faufile toujours dans ces récits qui secouent et percutent. Les gens, leurs gestes et les mots directs, justes, du romancier sont implacables. Dures seront la fin et la chute. À suivre dans un an, pour un ultime rendez-vous sur les bancs de pierre.
Sonia Sarfati
Les sept robes
★★★★
Tristan Saule, Parallèle Noir/Le Quartanier, Montréal, 2025, 368 pages
La femme qui fuit
Frankie Elkin est de retour. Imaginée par Lisa Gardner dans le solide L’été d’avant, cette femme qui fuit (son passé et l’alcool, entre autres) se cherche en plongeant dans des cold cases. Cette fois-ci, dans les montagnes du Wyoming où, il y a cinq ans, a disparu Timothy. C’était un pro de la randonnée en forêt, et c’est là qu’il voulait passer son enterrement de vie de garçon, avec ses meilleurs amis. Il n’en est jamais revenu. Bien qu’elle ne connaisse rien au plein air, Frankie se joint à une ultime opération de recherche organisée par les parents du jeune homme. Si Dernière soirée prend du temps à décoller et si le dénouement tire un peu trop sur la corde de la crédibilité, le roman contient des pages absolument terrifiantes, des émotions qui griffent la peau, des personnages troublés, troublants, troubles. Et puis, il y a Frankie, dont la vie se révèle encore un peu plus. Peut-être finira-t-elle par se (re)poser un jour. Mais pas encore. Elle n’est pas prête. Nous non plus.
Sonia Sarfati
Dernière soirée
★★★1/2
Lisa Gardner, traduit par Cécile Deniard, Albin Michel, Paris, 2025, 457 pages
Un vibrant plaidoyer
On pense surtout à ses grands succès — La firme, L’affaire Pélican, Non coupable, etc. — quand on entend le nom de John Grisham, et au fait que la majorité de ses romans situés dans le Sud profond américain mettent en scène des avocats. Ce qui est précisément le cas dans ces trois nouvelles plantées à la frontière du Mississippi et du Tennessee, qui nous décrivent d’abord un monde en état de décrépitude morale avancée. La première d’entre elles (Le retour) est centrée sur un avocat repenti qui cherche à se faire pardonner, alors que la dernière, qui a donné son titre à l’ensemble, souligne le déclin d’un grand cabinet dévoré par l’appât du gain. Mais la plus touchante, La lune des fraises, a pour personnage principal un condamné à mort à quelques heures de l’exécution que son avocat n’a pas réussi à faire commuer malgré quinze ans d’efforts. L’histoire de Cody Wallace, emprisonné à l’âge de 14 ans parce qu’il était sur la scène d’un meurtre, est un vibrant plaidoyer pour l’abolition de la peine de mort. Implacable.
Michel Bélair
Les adversaires
★★★
John Grisham, traduit par Dominique Defert, JCLattès, Paris, 2024, 303 pages
Tromperies et trompe-l’œil
Dans ce troisième chapitre de la série Atlee Pine, l’agent spécial du FBI profite d’un congé pour enquêter près de la base militaire de Fort Dix, dans le New Jersey. Avec son assistante, elle est sur la piste de l’homme qui a enlevé sa sœur jumelle, Mercy, 30 ans plus tôt, la laissant ensuite pour morte. Pine se joindra bientôt à un enquêteur de l’armée, John Puller, afin de mettre au jour un réseau de revendeurs de drogue qui opère à partir de la base. Mais il y a surtout qu’ils démantèleront au péril de leur vie un stratagème utilisant le chantage (drogue, sexe, pots-de-vin) pour faire pression sur des hommes politiques et de grands industriels. Au bout du compte, Atlee Pine en apprendra encore un peu plus — d’où le titre — sur les événements tragiques qui ont marqué son enfance et défini sa carrière. On se surprendra à ne pas pouvoir lâcher cette histoire de tromperies et de trompe-l’œil — bravo pour le rythme hallucinant de la traduction — qui, on l’espère pour l’agent Pine, devrait voir sa conclusion dans un prochain épisode.
Michel Bélair
Une lueur d’espoir
★★★
David Baldacci, traduit par Yannick Brolles, Talent Éditions, Paris, 2024, 497 pages