«Le cadavre du canyon»: des couleurs trompeuses

En principe, Thumps DreadfulWater peut se permettre de respirer plus calmement et de jouir du temps qui passe. En effet, il vient d’écarter définitivement le tueur en série qu’il pourchassait depuis l’assassinat de sa femme et de sa fille (voir Les meurtres d’obsidienne chez le même éditeur). Tout cela est désormais derrière lui, et il a bien l’intention de se remettre à la photographie, de consacrer plus de temps à sa relation avec Claire et, pourquoi pas, de s’occuper de son diabète. Mais il y arrive difficilement.
Désœuvré presque, il accompagne donc son ami le shérif Hockney dans le canyon de Deep House où quelqu’un a pénétré illégalement dans l’enceinte clôturée d’un fabricant de peinture californien, qui teste là la résistance de ses produits au soleil, à la chaleur et au froid. Le clavier numérique qui permet d’y entrer a été activé à cinq reprises au cours des jours précédents et ils trouvent là une fourgonnette Mercedes incendiée trônant au milieu de grands panneaux de couleurs bariolés : une véritable « peinture cubiste », comme dit DreadfulWater. « Un délire de fleurs sauvages ». Sauf qu’il tombe plus tard, un peu plus loin tout au fond du canyon, sur un cadavre caché derrière un autre amas de panneaux colorés. Qui est cet homme, et que faisait-il dans ce coin de désert perdu ?
On découvrira rapidement un lien entre l’inconnu et la fourgonnette carbonisée dans laquelle il transportait des panneaux volés en Californie. Le shérif et son « adjoint spécial » saisissent d’ailleurs rapidement que toute cette affaire tourne autour des fameux panneaux. En fouillant un peu plus, ils apprennent que le fabricant vient tout juste d’être racheté par une énorme multinationale, qui « fait » aussi dans l’armement. Tout cela au moment même où la chercheuse qui travaillait là-bas sur un « enduit spécial » se pointe chez Thumps… On vous laisse découvrir comment ce gros paquet de nœuds a pris forme avant de se dérouler tout au fond du canyon de Deep House.
On en est déjà à la sixième enquête de Thumps DreadfulWater publiée chez Alire et, comme d’habitude, tout repose à la fois sur l’humour imparable et l’écriture colorée de Thomas King tout comme sur la série de personnages irrésistibles qu’il met en scène. Surtout, bien sûr, ceux appartenant à la communauté autochtone du coin, qui se démarquent par leur roublardise et leur créativité à toute épreuve. Mais il n’y a pas que ceux-là puisque la petite ville de Chinook regorge elle aussi de personnages « uniques », que l’on prend plaisir à voir évoluer depuis Meurtres avec vue.
Rajoutez à l’ensemble une traduction irréprochable, une intrigue serrée et bien menée sur un thème qui fait frémir avec le retour de l’ineffable locataire de la Maison-Blanche, et vous avez l’explication du succès de la série. Encore !