«En fanfare»: mon ami mon frère

Les acteurs Pierre Lottin et Benjamin Lavernhe dans la comédie-dramatique française «En fanfare» du réalisateur Emmanuel Courcol.
Photo: Axia Films Les acteurs Pierre Lottin et Benjamin Lavernhe dans la comédie-dramatique française «En fanfare» du réalisateur Emmanuel Courcol.

Chef d’orchestre réputé malgré son relatif jeune âge, Thibaut mène l’existence dont il a toujours rêvé. Mais voici que tombe, brutal, un diagnostic de leucémie. Et il appert que sa sœur n’est pas compatible pour la greffe de moelle osseuse dont il a urgemment besoin… entre autres parce qu’elle n’est pas réellement sa sœur. En effet, Thibaut a été adopté, ce qu’il ignorait. Le voici donc qui part à la rencontre de Jimmy, un frère biologique jusque-là inconnu. Différents en tout, les deux hommes ont en commun une passion pour la musique. Dans l’émouvant — et souvent drôle — En fanfare, Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin forment un merveilleux tandem fraternel.

C’est là une production « qui fait du bien ». Sauf que ledit bien ne se fait pas au détriment de la qualité. En effet, En fanfare confère une vraie profondeur psychologique à ses personnages et rend compte d’une appréciable finesse dans ses dialogues.

Les interprètes livrent ceux-ci avec un mélange irrésistible de timing et de naturel : c’est réglé comme du papier à musique, mais avec un air de spontanéité. Dans le rôle de Jimmy, le plus fruste des deux frérots, Pierre Lottin (Quand vient l’automne) s’avère tout spécialement formidable : derrière une désinvolture un peu bourrue couve un cruel manque de confiance en soi.

Sûr de ses moyens, mais sans être arrogant, Thibaut (Benjamin Lavernhe : Le sens de la fête ; Délicieux) aidera Jimmy à développer ses dons musicaux.

Cela étant, le constat que des talents possiblement égaux ne bénéficièrent pas des mêmes chances pour s’épanouir sera source de tensions.

La nuance prévaut

D’abord parallèles puis fusionnées, les courbes dramatiques des deux protagonistes sont fort bien développées. D’ailleurs, le scénario affiche une belle cohésion, en dépit de ce qui a été écrit par pas moins de cinq personnes, dont le réalisateur, Emmanuel Courcol (Un triomphe).

Sur le plan de la mise en scène, justement, Courcol opte pour une approche judicieusement discrète, laissant toute la place aux compositions plus que parfaites des deux vedettes masculines, aux dialogues, ainsi qu’à la musique : Mozart, Verdi, Mahler, Aznavour, Dalida (si, si)…

Cela étant, une autre grande force d’En fanfare réside dans le fait que le film parvient à éviter à peu près tous les pièges propres à ce type de récits (la maladie qui frappe) et d’archétypes (le duo mal assorti). Par exemple, on ne cherche jamais à susciter des rires faciles en faisant de Thibaut et Jimmy des clichés bourgeois et ouvrier, respectivement. Contraste il y a, mais pas jusqu’à la caricature.

Les raisons expliquant la séparation de Thibaut et Jimmy ne relèvent pas davantage du mélo. À chaque détour, la nuance prévaut. Aussi, lorsqu’ils surviennent, les rires et les larmes sont d’autant plus sentis. Ah, et il y a cette séquence finale, au son du Boléro de Ravel, tout à la fois galvanisante et bouleversante…

En fanfare

★★★★

Drame d’Emmanuel Courcol. Scénario d’Emmanuel Courcol, Khaled Amara, Oriane Bonduel, Irène Muscari, Marianne Tomersy. Avec Benjamin Lavernhe, Pierre Lottin, Sarah Suco, Jacques Bonnaffé, Ludmila Mikaël, Clémence Massart-Weit. France, 2024, 103 minutes. En salle.

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