S’adapter, ou disparaître?
S’adapter ou disparaître. C’est sous cet énoncé sans équivoque que l’Organisation des Nations unies (ONU) appelle les dirigeants du monde entier à enfin appuyer sur l’accélérateur des actions politiques afin de stopper la course folle de la dégradation de la planète. Depuis la signature de l’Accord de Paris, en 2015, chaque COP franchit un nouveau cap d’urgence, mais le politique lambine et fait tarder les changements, comme s’il avait le luxe du temps.
Mais du temps, il n’y en a guère. Voilà un moment déjà que les experts en changements climatiques préviennent que le réchauffement de la planète entraînera des perturbations dramatiques. La région de Valence, en Espagne, vient de subir une catastrophe climatique il y a deux semaines. Des crues importantes ont entraîné la mort d’au moins 222 personnes. Lundi, c’était au tout de la province d’Almería de subir aussi des inondations. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a prévenu que « les calamités climatiques sont notre nouvelle réalité. Et nous ne sommes pas à la hauteur ».
L’Organisation météorologique mondiale (WMO) a annoncé cette semaine que l’année 2024 pourrait obtenir le triste record de l’année la plus chaude jamais observée. Le réchauffement entre janvier et septembre 2024 a en effet dépassé de 1,54 °C la moyenne préindustrielle (avec une marge d’incertitude de ±0,13 °C). Le rapport 2024 du WMO est rédigé à l’encre rouge, celle de l’urgence et des chaleurs entraînant à leur suite des bouleversements d’importance. Partout sur le globe, y compris dans les pays producteurs des plus importants rejets de gaz à effet de serre (GES), les effets prennent la forme de feux de forêt, d’inondations majeures, de pénuries d’eau, d’épisodes de canicule inhabituels, du déclin de la biodiversité. Ailleurs dans le monde, le quotidien est marqué par des sécheresses intenses, la fonte des glaces polaires et l’élévation du niveau de la mer.
Tout concourt donc à des prises de décisions musclées et draconiennes. Mais les politiques de réduction des GES mises en place dans les nations du monde mènent tout droit dans le mur : vers une hausse de 3,1 °C. Un des objectifs principaux de cette COP29, à un an du dixième anniversaire de l’Accord de Paris, est de négocier une somme d’aide financière annuelle disponible pour les pays en développement, qui ne reçoivent que 10 % de ce qu’on appelle la finance climatique. À eux seuls, les pays du G20 rejettent 77 % des GES de l’humanité, calcule l’ONU. Il tombe sous le sens qu’ils viennent en aide à ceux qui font les frais de cette démesure tragique.
Mais cette année, en Azerbaïdjan, où se tient la COP29, plusieurs dirigeants du G20 brillent par leur absence. Choisi car c’était au tour de l’Europe de l’Est de désigner un pays hôte, l’Azerbaïdjan détonne et étonne : dans ce pays, le pétrole est considéré comme un « cadeau de Dieu » et les médias et activistes de la société civile qui tentent de critiquer les décisions du gouvernement peuvent finir en prison. Les droits de la personne n’ont pas la cote. Comme l’an dernier aux Émirats arabes unis, où le président de la COP était le dirigeant de l’une des plus grandes pétrolières au monde, cette fois le président est Mukhtar Babayev, actuel ministre de l’Écologie et des Ressources naturelles, qui a travaillé pendant 26 ans au sein de la State Oil Company of Azerbaidjan Republic (SOCAR). Ce sont des faits éloquents. Sur cette COP plane aussi l’ombre du futur président des États-Unis, Donald Trump. Le climatosceptique serait en effet en train de préparer les décrets lui permettant de retirer les États-Unis de l’Accord de Paris, comme il l’avait fait une première fois en 2017.
Le Canada n’a rien pour fanfaronner : le commissaire à l’environnement et au développement durable vient de nous rappeler qu’il affiche le pire bilan du G7 en matière d’émissions de GES. Le commissaire Jerry V. DeMarco a insisté la semaine dernière sur le fait que le Canada n’avait plus que six ans pour atteindre la cible de réduction des émissions de GES à laquelle il s’est engagé, soit de 40 % à 45 % sous les niveaux de 2005 d’ici à 2030. Les données de 2022 montrent une réduction des émissions de seulement 7,1 %. « Les mesures ont été mises en place trop lentement. Les estimations des réductions d’émissions étaient trop optimistes », a tranché le commissaire.
Au premier jour de la COP29, les tractations ont semblé houleuses, mais les pays ont adopté de nouvelles règles pour encadrer le marché des crédits carbone, ce qui est une étape cruciale. La rencontre, qui durera jusqu’au 22 novembre, doit surtout servir à fixer le montant que les pays riches pourront verser aux pays en développement, afin de réduire leur dépendance au pétrole et au charbon. On estime que l’aide de 116 milliards (en 2022) doit être décuplée pour avoir un effet concret, mais les pays riches estiment que c’est beaucoup trop. Ce qui a fait dire mardi au président des Maldives, Mohamed Muizzu : « Les flux d’argent financent sans peine les guerres, mais dès qu’il s’agit d’adaptation climatique, ils sont minutieusement examinés. »
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