Pour un contrat social laïque
Nada, merci pour ton texte d’opinion publié dans Le Devoir mercredi. Tout comme toi, je suis Québécoise. Tout comme toi, j’aime cette diversité que nous avons au Québec. J’aimerais dire, tout comme toi, que je suis d’origine autre… mais dans mon cas, je n’ai pas connu mon autre culture. Peu après ma naissance, mon nom a été changé et j’ai été élevée dans une famille monoculturelle. Ton texte est bouleversant de poésie. Ton marteau-piqueur ne peut que percer un cœur de Québécois. Je n’ai pas ta plume, mais nous partageons manifestement l’amour du sirop d’érable. Mais peut-être aussi de l’huile d’olive, des « cornes de gazelle », du café, des avocats, des bananes… Malheureusement, je n’ai pas de chemise à carreaux. Elle est sûrement utile pour se réchauffer lors de la collecte d’eau d’érable, mais cela ne fait pas partie de mes activités. Dis-moi, est-ce toi ou ton voile qui est rejeté ? Dis-moi, est-ce toi ou l’État religieux qui est rejeté ? Portes-tu le voile pour te protéger du soleil ou parce que ta religion l’oblige ? Un jour, le Québec était un État presque religieux. Un jour, nos prédécesseurs ont rêvé que les choix sociaux soient décidés par la collectivité et non par les religieux. Un jour, nos prédécesseurs ont rêvé que leurs filles puissent choisir par elles-mêmes ce qu’elles seraient, ce qu’elles feraient, ce qu’elles porteraient. Notre contrat social est vivant. Nos prédécesseurs l’ont changé et nous pouvons le changer. Mais si tu me demandes si je veux un État religieux, ma réponse est non. Je préfère avoir le choix de ma religion. Le voile n’est pas menaçant, mais après le voile imposé par la religion vient la séparation des genres dans la société et, si on pousse plus loin, le droit de refuser toutes les règles sociales pour la liberté religieuse, et finalement des règles sociales imposées par les dirigeants religieux. Je te pose la question : que souhaites-tu comme contrat social ? Une société qui est subjuguée par la religion ou une religion qui est un libre-choix, mais qui doit faire le compromis de laisser l’exercice étatique dans la neutralité laïque ?
Nada, je suis fière de faire partie d’un Québec qui compte parmi ses citoyens et citoyennes des gens comme toi. On peut avoir des idées différentes et en parler ouvertement. Que dirais-tu de conserver ta religion, de me laisser la mienne et qu’ensemble, on s’attaque à construire un Québec où il fait bon vivre grâce à notre poésie, à notre créativité, à notre ingéniosité et à notre engagement ?