Des consultations «superficielles» concernant un site d’enfouissement nucléaire

Laboratoires nucléaires canadiens estime que son site de gestion de déchets permettra d’accueillir pour «plus de 550 ans» le passif nucléaire généré par l’usine de Chalk River.
Photo: Fred Chartrand Archives La Presse canadienne Laboratoires nucléaires canadiens estime que son site de gestion de déchets permettra d’accueillir pour «plus de 550 ans» le passif nucléaire généré par l’usine de Chalk River.

La communauté anichinabée de Kebaowek a comparu en cour, mercredi et jeudi, pour dénoncer des consultations « superficielles » dans le cadre de la construction du site d’enfouissement nucléaire de Chalk River, en Ontario. Les risques environnementaux sont « spéculatifs », a répliqué le promoteur du projet Laboratoires nucléaires canadiens (LNC).

Devant la Cour fédérale, à Ottawa, les avocats de la communauté autochtone de l’ouest du Québec ont tenté de faire annuler une décision de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) qui accorde à LNC le droit de construire un site de gestion des déchets nucléaires tout près de sa centrale de Chalk River, en Ontario. Kebaowek craint que cette installation — qui doit se faire à environ un kilomètre de la rivière des Outaouais — pose des risques pour la santé des cours d’eau et la protection de la faune et de la flore locale.

S’adressant à la juge Julie L. Blackhawk, les représentants juridiques de la partie demanderesse ont affirmé que la CCSN n’avait pas suivi, tout au long de son processus décisionnel, les principes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Ce document, auquel le Canada a adhéré en 2010, souligne que « les États consultent les peuples autochtones concernés et coopèrent avec eux […] en vue d’obtenir leur consentement, donné librement et en connaissance de cause, avant l’approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires et autres ressources ».

En 2021, le gouvernement fédéral a adopté une loi qui indique qu’il prendra « toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles » avec ladite Déclaration.

Or, comme tribunal administratif et agent de la Couronne, la CCSN n’a pas fait son possible pour respecter ces obligations, a affirmé mercredi l’avocat Robert Janes, qui représente Kebaowek. « Ce qui s’est passé ici — et mon but n’est pas d’être irrespectueux —, c’est une consultation superficielle, où des questions de base ont été posées : “Vos opinions ont-elles été entendues ? Ont-elles été considérées ?” » a-t-il dit devant la juge Blackhawk.

« Ce ne sont pas des questions […] qui permettent d’obtenir le consentement libre, préalable et éclairé » de la communauté, a-t-il enchaîné, qualifiant la décision de la CCSN, rendue en début d’année, de « déraisonnable ».

Kebaowek « régulièrement » contactée

S’adressant à leur tour au tribunal de première instance, les représentants de LNC ont assuré que les parties concernées avaient bel et bien été consultées. Citant un document, l’avocat Arend J.A. Hoekstra a constaté que, « depuis 2016, l’équipe de la CCSN [avait] régulièrement contacté Kebaowek pour [lui] fournir des informations, comprendre ses inquiétudes et développer un processus de consultation en lien avec le projet de Chalk River ».

« Il y a au moins 60 incidences différentes. On parle de courriels, d’appels téléphoniques et de réunions en personne », a-t-il ajouté, tout en soutenant qu’il y avait eu « des efforts » de la part de la Commission pour consulter la communauté.

LNC estime que son site de gestion de déchets permettra d’accueillir pour « plus de 550 ans » le passif nucléaire généré par l’usine de Chalk River. Un autre aspect à ne pas oublier, selon l’avocat Hoekstra, qui a souligné qu’il faudrait « 50 000 trajets en camion » pour déplacer les « centaines de milliers de tonnes de déchets radioactifs » actuellement abrités sur le site.

Les inquiétudes de la communauté, a-t-il ajouté, s’appuient sur de la « spéculation ». « LNC est la principale installation de recherche nucléaire au Canada », a-t-il dit. « Le site est sûr et surveillé. »

En plus de Kebaowek, une centaine de municipalités établies le long et en aval de la rivière des Outaouais — Montréal et Gatineau y comprises — contestent publiquement la décision de la CCSN, par crainte de conséquences sur le cours d’eau, qui se jette dans le fleuve Saint-Laurent. Le gouvernement du Québec n’a toujours pas confirmé s’il se rangerait ou non à leurs côtés.

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