De retour en Colombie, des migrants expulsés par les États-Unis évoquent le «cauchemar américain»

Des images diffusées par le gouvernement colombien montrent les personnes expulsées — parmi elles, plusieurs mineurs — à leur descente d’avion.
Photo: Ministère colombien des Affaires étrangères via Agence France-Presse Des images diffusées par le gouvernement colombien montrent les personnes expulsées — parmi elles, plusieurs mineurs — à leur descente d’avion.

Deux avions militaires affrétés par le gouvernement colombien ont rapatrié mardi à Bogotá environ 200 personnes expulsées par les États-Unis, dont plusieurs ont dénoncé des conditions de détention et d’expulsion dignes d’un « cauchemar américain ».

Leur arrivée, annoncée par le président colombien Gustavo Petro, survient après de vives tensions diplomatiques le week-end dernier entre les deux pays, portant sur le transport de migrants expulsés par l’administration Trump.

M. Petro, premier président de gauche de l’histoire de la Colombie, avait refusé dimanche de permettre l’arrivée de vols militaires américains transportant des expulsés colombiens, inquiet pour la « dignité » des personnes à bord.

Au Brésil voisin, le gouvernement Lula avait la veille dénoncé le « traitement dégradant » de 88 migrants brésiliens expulsés par les États-Unis, qui ont dit avoir voyagé « pieds et poings liés ».

Les migrants arrivés mardi à Bogotá « sont Colombiens, libres et dignes, dans leur pays qui les aime. Un migrant n’est pas un délinquant mais un être humain qui veut travailler, évoluer et vivre sa vie », a affirmé mardi sur X Gustavo Petro.

Parmi eux figuraient 21 enfants et deux femmes enceintes, a précisé le ministre des Affaires étrangères Luis Gilberto Murillo. Ces personnes ont été expulsées en raison de leur « situation migratoire irrégulière » et aucune d’elles n’est recherchée par la justice ni en Colombie ni aux États-Unis, a-t-il souligné.

« Délinquants de haut rang »

L’un des arrivants, Carlos Gomez, a décrit à la presse des conditions de détention difficiles. « Ce n’est pas le rêve américain mais le cauchemar américain », a-t-il lancé depuis l’aéroport El Dorado de Bogotá.

Resté seulement une semaine aux États-Unis en compagnie de son fils de 17 ans, il décrit une nourriture « horrible », « jetée au sol » et de longues journées d’enfermement dans des « cellules » où il ne pouvait distinguer la nuit du jour.

Carlos et son fils étaient dans l’un des vols américains refoulés par Gustavo Petro, au départ de San Diego. « Nous étions menottés, nous étions serrés » et son fils pleurait en lui disant: « Papa, j’ai mal », se souvient-il.

À bord, « nous étions menottés et nous portions des chaînes à la taille, comme si nous étions […] des délinquants de haut rang », a également raconté à la presse Daniel, un migrant qui a versé plus de 5000 dollars à des passeurs pour arriver sur le territoire américain.

Dimanche soir, après des heures de tensions et l’annonce de sanctions douanières réciproques, « l’impasse » a été finalement surmontée selon Bogotá et Washington a levé sa menace de droits de douane sur les biens colombiens.

Des avions militaires, colombiens cette fois, ont décollé de Bogotá lundi afin de rapatrier du Texas et de Californie les migrants que Washington souhaitait expulser.

Le gouvernement colombien a annoncé mardi des fonds « pour soutenir la réintégration productive » des arrivants, sans préciser s’il y aura d’autres rotations aériennes vers les États-Unis.

Donald Trump a promis de lancer « le plus grand programme d’expulsions de l’histoire américaine ». Depuis son retour au pouvoir le 20 janvier, la Maison-Blanche s’est targuée de l’arrestation de centaines de « migrants criminels illégaux », soulignant qu’ils avaient été expulsés par avions militaires, plutôt que civils comme c’était le cas précédemment.

Après la dispute avec la Colombie, M. Trump s’est vanté que « l’Amérique [soit] à nouveau respectée ». « Nous avons clairement dit à tous les pays que […] nous allons renvoyer les criminels, les étrangers illégaux qui viennent de [ces] pays », a-t-il affirmé.

« Ce qui s’est passé entre la Colombie et les États-Unis ces derniers jours est exactement ce qui ne devrait pas se produire », a déclaré à l’AFP Juan Manuel Santos, ancien président colombien, lors d’un événement à Washington, évoquant des « erreurs des deux côtés ».

Les projets d’expulsions massives de migrants ont placé Donal Trump sur une trajectoire de collision potentielle avec les gouvernements d’Amérique latine, d’où sont originaires la plupart des quelque 11 millions de sans-papiers que comptent les États-Unis.

Lundi, le gouvernement brésilien a convoqué le chargé d’affaires de l’ambassade américaine à Brasília pour exiger des explications.

Une réunion d’urgence de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), proposée par la présidente du Honduras, Xiomara Castro, pour parler des questions migratoires face à l’offensive de M. Trump, doit avoir lieu jeudi.

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