Une collision avec des oiseaux

Un pompier photographie des débris sur les lieux de l’accident de l’avion de Jeju Air à l’aéroport international de Muan, le 3 janvier 2025, en Corée du Sud.
Photo: Yonhap Agence France-Presse Un pompier photographie des débris sur les lieux de l’accident de l’avion de Jeju Air à l’aéroport international de Muan, le 3 janvier 2025, en Corée du Sud.

L’an 2000 a 25 ans cette année. Un premier quart de siècle pour un millénaire déjà fatigué, qui paraît parfois à bout de souffle, qui culmine avec la collision tragique d’un avion avec des oiseaux, en Corée du Sud.

Quand j’ai entendu la nouvelle, l’image m’a hanté et ne m’a plus quitté. Bien sûr, il y a ces 179 morts de trop, comme dans toutes les collisions d’oiseaux métalliques avec les éléments. Des gens qui voyageaient dans le ciel avec la quiétude de ceux qui ont le luxe de changer de destination. Des gens qui réalisaient peut-être leur premier rêve, des gens dont la vie s’est arrêtée en plein vol et dont la famille a volé en éclats.

Mais cette collision avec des oiseaux, c’est aussi la métaphore de notre monde à l’heure où des présidents un peu trop puissants abusent de leurs doigts sur la gâchette et fomentent des générations entières de terroristes tout en étant convaincus de procéder à leur éradication. Une collision insoutenable avec nos frères et sœurs qui vivent quotidiennement l’enfer sur terre pendant que nos dirigeants à nous jonglent avec les « bons » termes à utiliser pour qualifier ces massacres, ou évoquent — en marmonnant du bout des lèvres — de lénifiants appels au cessez-le-feu qui s’éteignent aussitôt qu’ils sont prononcés, mais qui font vraisemblablement bonne figure et leur donne — du moins, on leur souhaite — bonne conscience.

La collision avec des oiseaux, c’est aussi un menteur impénitent et un criminel patent, objet de multiples poursuites judiciaires, qu’on disait inapte à occuper la Maison-Blanche, mais qui l’occupera bientôt avec une légitimité inespérée (et incontestée, tiens donc) en s’acoquinant avec l’homme le plus riche de la planète, Elon Musk. Ce dernier a quant à lui créé — avec son éternel air de mourir de rire — une loterie électorale et transformé instantanément de simples électeurs en millionnaires républicains sans que la justice — cette drôle de tombola qui joue souvent à cache-cache avec la vérité — y puisse quoi que ce soit. Courage aux femmes, aux immigrants et aux communautés LGBTQ+ devant ce nouveau chapitre plus qu’inquiétant.

Par-delà les frontières

La collision avec des oiseaux, c’est finalement la somme de toutes ces agressions qui nourrissent quotidiennement le cynisme, lequel engendre à son tour d’autres collisions, dans un monde qui remet de plus en plus ouvertement en question — réchauffement climatique oblige — l’idée même de procréer et de prolonger la vie sur Terre.

De là à sombrer dans la désespérance, il n’y a qu’un pas pour lequel chacun cherche à trouver du sens, tantôt en s’engouffrant dans de petits écrans qui nous donnent l’illusion d’être tout-puissants, tantôt en agissant sur le réel, qui nécessite toujours plus d’attention et de soins.

Au Québec, les belles heures du gouvernement Legault avaient permis à une certaine pandémie de surligner et d’apprécier l’apport incommensurable de ceux qu’on qualifiait alors d’anges gardiens. Comme il était vertueux de nous en remettre à leur bienveillance, à l’heure où nous étions confinés à notre univers restreint.

Mais la détérioration du tissu social, depuis, a multiplié les poqués et les laissés-pour-compte, en plus de faire monter le niveau d’agressivité, et il semble de plus en plus difficile de voyager léger, même avec les plus belles lunettes roses. C’est donc de nos seules collisions avec l’autre que le miracle se fera, si tant est que l’on croie toujours aux miracles. Moi j’y crois et je nous souhaite le courage d’y arriver, le plus souvent possible, en n’oubliant jamais, comme le chante Richard Desjardins… que le cœur est un oiseau.

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