La collecte des déchets toutes les deux semaines, une pratique qui s’étend

D’ici 2029, tous les arrondissements de Montréal seront convertis, en partie ou en totalité, à la collecte des déchets toutes les deux semaines.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir D’ici 2029, tous les arrondissements de Montréal seront convertis, en partie ou en totalité, à la collecte des déchets toutes les deux semaines.

L’implantation de la collecte des déchets toutes les deux semaines dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve (MHM) ne passe pas comme une lettre à la poste. Pourtant, cette mesure, qui vise à réduire la quantité d’ordures acheminée vers les sites d’enfouissement, est en place dans de nombreuses municipalités au Québec et au Canada. La Ville de Montréal entend d’ailleurs l’étendre à d’autres arrondissements dans les prochaines années. Tôt ou tard, tous les Montréalais devront s’y faire.

Le 2 décembre dernier, des citoyens mécontents ont chahuté le maire de l’arrondissement de MHM, Pierre Lessard-Blais, en pleine séance du conseil. La police est intervenue, et une citoyenne a été expulsée. Lancée en 2022 dans le cadre d’un projet-pilote qui a commencé dans deux secteurs de l’est de l’arrondissement, la collecte toutes les deux semaines est maintenant étendue à tout l’arrondissement.

MHM n’a toutefois pas été le premier arrondissement à adopter cette stratégie, car, dès 2015, Saint-Laurent a espacé ses collectes de déchets sur son territoire. De son côté, Verdun a lancé un projet-pilote en novembre dernier.

Deux autres arrondissements emboîteront le pas l’an prochain, soit Ahuntsic-Cartierville et Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension. D’Ici 2029, tous les arrondissements de la Ville seront convertis, en partie ou en totalité, à la collecte des déchets toutes les deux semaines, indique Marie-Andrée Mauger, responsable de la transition écologique et de l’environnement au comité exécutif de la Ville de Montréal.

Pourquoi une progression si lente ? Il s’agit d’une question de contrats, répond l’élue. « Nos contrats ont une durée de cinq ans avec des options de renouvellement », explique-t-elle. « La stratégie de la Ville de Montréal, c’est d’intégrer des projets d’espacement au fur et à mesure qu’il y a le renouvellement des contrats des ordures ménagères. »

Mme Mauger reconnaît que de nombreux citoyens résistent à ces changements, mais ceux-ci sont devenus inévitables compte tenu de la multiplication des collectes, avec le recyclage, le compostage et les résidus verts, dit-elle. « Notre relation avec nos déchets, c’est vraiment “loin des yeux, loin du cœur”. Juste le fait de les sortir devant sa résidence, on a l’impression d’avoir fait sa part. C’est beaucoup plus complexe que ça. »

L’espacement des collectes vise à inciter les citoyens à mieux trier leurs matières résiduelles afin de réduire la quantité de déchets acheminés aux sites d’enfouissement. Montréal s’est d’ailleurs fixé pour objectif de « tendre vers le zéro déchet » d’ici 2030, ce qui signifie de détourner 85 % des déchets des sites d’enfouissement.

Même si les changements d’habitude provoquent souvent des levées de boucliers, ils sont nécessaires, et l’espacement des collectes a fait ses preuves, estime Karel Ménard, directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets. Les données préliminaires publiées par l’arrondissement de MHM montrent que, dans le secteur de Saint-Justin, où le projet-pilote a pris naissance, le tonnage de déchets collectés a diminué de 23 % en deux ans, alors que celui des résidus alimentaires a fait un bond de 34 %. « On entend beaucoup ceux qui se plaignent. Mais si ça pue dans un sac poubelle, c’est qu’on ne met pas ce qu’on devrait mettre dedans », soutient M. Ménard.

Julie-Christine Denoncourt, analyste en réduction à la source à Équiterre, habite dans MHM et elle juge que l’arrondissement a fait ses devoirs pour préparer les citoyens aux changements à venir. « Ils ont vraiment mis en place plusieurs mesures d’information, dont le porte-à-porte, mais aussi la ligne téléphonique et des envois postaux », dit-elle. « Ça peut vraiment inspirer d’autres arrondissements, ceux qui sont peut-être plus frileux à le faire. »

Ailleurs

Reste que Montréal a bien du retard. Dans de nombreuses villes ailleurs au Québec et au Canada, la collecte toutes les deux semaines est installée depuis des années. Sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), 60 municipalités ont déjà réduit la fréquence des collectes. Huit d’entre elles, dont Carignan, Mont-Saint-Hilaire et Belœil, l’offrent toutes les trois semaines. En parallèle, 90 % des domiciles étaient desservis par la collecte des matières compostables en 2023 sur le territoire de la CMM.

À Gatineau, la collecte toutes les deux semaines remonte à 2011. La Ville est allée plus loin en 2018 en limitant à 120 litres la quantité d’ordures ménagères que chaque ménage peut laisser en bordure de rue. Elle a aussi imposé une tarification de 3 $ pour chaque sac supplémentaire. La Ville estime que les nouvelles règles ont été bénéfiques puisqu’en 2020, les déchets envoyés à l’enfouissement avaient diminué de 20 %.

La Ville de Québec a plutôt opté pour une collecte une semaine sur deux pour la saison hivernale en excluant certains secteurs, dont l’arrondissement de La Cité-Limoilou.

Le problème des couches

À Toronto, l’espacement des collectes remonte à plus de 15 ans. La Ville de Toronto a commencé la collecte toutes les deux semaines en 2008, de concert avec l’implantation de la collecte des matières organiques. Mais, contrairement à de nombreuses municipalités, Toronto autorise ses résidents à jeter les couches dans leur bac de compostage — tout comme les excréments d’animaux — afin de simplifier la tâche des citoyens. Les couches, qui comportent du plastique et des produits chimiques, sont toutefois retirées avant que les matières subissent le traitement de digestion anaérobie pour être transformées en compost. Elles prennent donc le chemin des sites d’enfouissement.

La question des couches est d’ailleurs un des arguments évoqués dans MHM pour dénoncer l’espacement des collectes, qui peut devenir problématique pour les familles avec de jeunes enfants, particulièrement l’été. Montréal n’entend cependant pas adopter la stratégie torontoise. « L’approche de la Ville de Montréal, c’est d’éviter cette contamination puisque, de toute façon, les couches vont aboutir à l’enfouissement. On essaie d’avoir un message cohérent », explique Marie-Andrée Mauger.

85%
C’est le pourcentage de déchets de Montréal qui pourraient être détournés des sites d’enfouissement d’ici 2030.

Karel Ménard est aussi d’avis qu’imiter Toronto n’est pas une solution. Mais il reconnaît que l’option des couches lavables ne convient pas à tous les ménages. « On a beau avoir la foi, quand les deux parents travaillent, c’est difficile. »

Selon lui toutefois, Montréal aurait avantage à améliorer les outils de collecte, surtout dans les immeubles à logements multiples où les bacs individuels pourraient être remplacés par des bacs communs. Même la collecte porte-à-porte est discutable du point de vue environnemental compte tenu de l’empreinte écologique de tous les camions qui doivent sillonner les rues chaque semaine, souligne-t-il.

Si l’espacement des collectes améliore le bilan environnemental, les économies sont plutôt limitées, admet Marie-Andrée Mauger. La multiplication des collectes des matières différentes et l’explosion des coûts du transport des dernières années ne permettent pas une réelle réduction des coûts. « Mais si on faisait les choses à l’identique, ça nous coûterait peut-être deux fois plus cher. Donc, quelque part, on contrôle les coûts. »

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