Le CISSS de Lanaudière poursuivi par des femmes attikameks stérilisées sans leur consentement

Les deux femmes attikameks à la tête de l’action collective soutiennent avoir été victimes de racisme en ayant été stérilisées contre leur gré par trois médecins du CISSS de Lanaudière.
Photo: Marie-France Coallier Archives Le Devoir Les deux femmes attikameks à la tête de l’action collective soutiennent avoir été victimes de racisme en ayant été stérilisées contre leur gré par trois médecins du CISSS de Lanaudière.

Le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Lanaudière sera finalement visé par une action collective intentée au nom de femmes attikameks de Manawan qui allèguent avoir été stérilisées sans leur consentement libre et éclairé.

En août 2023, un juge de la Cour supérieure avait donné le feu vert à une action collective contre trois médecins ayant pratiqué les interventions reprochées. Il avait toutefois refusé de l’autoriser contre le CISSS où ces médecins travaillaient, soit l’hôpital de Joliette, là même où Joyce Echaquan est décédée en 2020.

La Cour d’appel, dans une décision rendue cette semaine, a toutefois rectifié cette situation : le CISSS est désormais poursuivi. S’il ne peut être tenu responsable des fautes des médecins — qui ne sont pas ses employés, étant travailleurs indépendants —, il peut l’être pour les fautes commises par d’autres catégories d’employés, ainsi que pour ses propres fautes, détaille la Cour d’appel. Dans la procédure, les deux femmes reprochent notamment à l’établissement de n’avoir pris « aucune mesure pour endiguer le racisme systémique entre ses murs » et d’avoir manqué à son « devoir d’assurer aux patientes autochtones un milieu de soins adéquat et sécuritaire ».

La demande en justice peut désormais franchir toutes les étapes qui doivent la mener à un procès. Aucune des allégations de la poursuite n’a encore été prouvée devant un tribunal.

Les deux femmes qui représenteront toutes les autres soutiennent avoir subi une ligature des trompes sans y avoir consenti librement. L’une affirme ne pas y avoir donné son accord ni même en avoir été informée ; l’autre a dit avoir cédé sous « la crainte et la pression indue » de son médecin. De nombreuses femmes de leur communauté ont subi le même sort, disent-elles.

Elles soutiennent avoir été victimes de racisme et ne pas avoir pu donner un consentement valide étant donné le contexte de discrimination systémique contre les Autochtones auquel ont contribué les trois gynécologues-obstétriciens visés.

Dans la demande en justice, les avocats donnent plusieurs exemples de propos dégradants qui auraient été tenus à l’encontre de l’une des deux femmes : « Tu es encore enceinte », « C’est le temps de te faire une ligature », « Tu as trop d’enfants », « Tu ne dois pas avoir de maison et tu dois être sur le “BS” », « Vous, les Autochtones, vous avez tous des problèmes d’alcool ».

Les deux femmes, dont l’anonymat est préservé, réclament des dommages compensatoires et punitifs pour ce qu’elles ont subi.

L’action collective va désormais suivre son cours, mais il pourrait s’écouler des années avant le dépôt d’un jugement final dans cette cause.

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