Cinq recueils de poésie hors-piste

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir

L’entrée enceinte des femmes, José Claer

Le poète et auteur trans José Claer s’est éteint le 4 janvier dernier. Son prochain recueil de poésie paraîtra donc de façon posthume, refermant le chapitre de son existence en jouant, une ultime fois, « avec les mots, avec les genres, avec son genre. » Dans une langue éclatée, que l’on annonce « jouissivement létale », José Claer joue à l’oracle, promettant de se venger de sa propre mort, alors à venir : « Hécate, Lilith, Électre vous invitent à strip-teaser ce recueil, arrachant 3 pages à la fois, et vous en servir comme dildo (qui est au moins 8 fois plus gros que son micropénis). Onirisme et Onanisme sont des plats délicieux pour me venger de celui qui se voit crucifié par 3 diagnostics incurables : covid longue, syphilis et TNF. » Finaliste au Prix du CALQ — Artiste de l’année en Outaouais en 2021 —, José Claer publie ainsi son septième recueil de poèmes, en plus de trois romans.

L’Interligne, le 15 janvier

Rosettes, Benoit Bordeleau

On ne connaît pas encore la poésie de Benoit Bordeleau, mais son plus récent titre, Orange pekoe, paru lui aussi à La maison en feu en 2021, se présentait dans un format que l’on reconnaîtra peut-être ici. Fragmenté, fait d’instantanés et de réminiscences, il nous proposait de retrouver la maison de son enfance et de s’imbiber de sa mémoire. Avec Rosettes, il nous invite dans une maison d’où surgissent d’étonnants personnages : « Demi-Heure, l’Assise, la Coiffeuse et les vournousseurs, Pomme et Potiron. Étrangers dans un lieu à imaginer, ils sont pour le narrateur des parts de lui-même à apprivoiser. » Présenté comme un « récit discret à propos de la peur de mourir tout autant que de vivre », son premier recueil semble déployer une prose poétique féconde où grouille une imagination attentive près du conte. Les mots, en somme, comme un refuge en soi : « Ici, les images insistent et créent un refuge à ce qui peine à s’attacher — comme les lacets et le sens des comptines. »

La maison en feu, le 26 février

Le corps est une maison sans grands-parents, Laura Bari

Laura Bari, originaire de l’Argentine, habite à Montréal depuis plusieurs années. Elle est la réalisatrice d’une trilogie de longs métrages d’autrice — Antoine (2009), Ariel (2013) et Primas (2017) — qui ont été largement diffusés et primés dans des festivals du monde entier. Première incursion littéraire, Le corps est une maison sans grands-parents se propose de revisiter la maison de son enfance, où les voix fantomatiques de cet autre temps, « noyées par l’une des plus longues dictatures du pays », « retrouvent enfin leur souffle. » « À travers une adresse amoureuse et clairvoyante », les vers de Laura Bari rejouent les questions de l’identité et de l’héritage, donnant parfois corps au réalisme magique. Le recueil est accompagné des œuvres de l’autrice, une pratique que le Noroît emploie de plus en plus, avec une délicatesse et un à-propos dignes de mention.

Le Noroît, le 11 février

À lire aussi

Filles de Gore, Clémence Dumas-Côté

Clémence Dumas-Côté fait un retour à la poésie, après la parution d’un premier roman, Glu (Herbes rouges, 2022), qui lui a valu le prix Alfred-DesRochers. Son troisième recueil de poésie, Filles de Gore, nous propose une virée dans une cabane en forêt à Gore, un village des Laurentides, où l’instance poétique, Clémence, s’est rendue avec son amoureux et ses trois enfants. Enceinte de deux mois, on lui a confirmé plus tôt que le cœur du fœtus ne battait plus : « La nuit du 10 au 11, pendant que sa famille dort à l’étage, elle accouche d’une bulle d’eau, seule. Il n’y a près d’elle qu’un téléviseur au son coupé, une chandelle, et un exemplaire usé des Filles de Caleb trouvé là par hasard. » Le recueil se propose tel « le distillat d’une expérience limite, d’une nuit où les limites se déchirent », où les poèmes se composent en puisant leur source de « la lecture, entrecoupée de contractions, des Filles de Caleb ».

Les herbes rouges, le 21 mars

Tout ce que la police ne sait pas, Ralph Elawani

Ralph Elawani est journaliste, écrivain et directeur littéraire de collection aux Éditions Somme toute. On lui doit un essai sur la contre-culture, Les marges détachables (Poètes de brousse, 2014), ainsi qu’une biographie sur Emmanuel Cocke, C’est complet au royaume des morts (Tête première, 2014). Il signe de nombreux textes dans les quotidiens (dont Le Devoir), revues et magazines, où il anime, commente et réfléchit la vie culturelle québécoise. Sa première incursion en poésie, Tout ce que la police ne sait pas, se promet d’être « insolite, traversée par un humour au ras des pâquerettes et les émanations d’un cerveau pré-Internet. » Il propose de nous plonger dans une « mosaïque où l’on oscille entre l’inouï et le désintérêt », porté par un ton conversationnel, « dans un style nourri par Richard Brautigan et Dorothy Parker ». Carnavalesque, peut-être, il prêtera ses mots « aux chicanes de perron et au voyeurisme, au Doc Mailloux et à Joe Pesci », aussi bien qu’aux « défroqués et aux réfugiés, au petit catéchisme et à l’arthrite ».

Poètes de brousse, en avril

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