Le prix du multiculturalisme
« Ils ne voulaient pas reconnaître qu’il s’agissait d’hommes asiatiques qui racolaient des filles blanches, au risque de déclencher une polémique raciale […]. Mais ce n’est pas raciste si c’est vrai. »
Ces mots sont ceux de celle qu’on a surnommée la Fille A pour protéger son identité. Elle parlait de la façon dont les services sociaux et la police britanniques l’ont abandonnée et ont « ruiné » sa vie, disait-elle. Alors qu’elle avait 15 ans, elle a été régulièrement saoulée puis violée par des douzaines d’hommes passant d’un membre d’un gang à un autre dans le nord de l’Angleterre.
On sait aujourd’hui que plusieurs milliers de jeunes filles et d’enfants ont subi le même sort dans plusieurs villes du pays, au nez et à la barbe des autorités qui s’empressaient de détourner le regard. Pourquoi ? Parce que ces violeurs étaient pour l’essentiel pakistanais et que ceux qui avaient pour mission de les combattre avaient peur de passer pour racistes.
Ce scandale a récemment été remis sur la place publique par nul autre qu’Elon Musk. On peut reprocher bien ces choses à ce « serial twitteur », mais pas d’avoir braqué les projecteurs sur l’un des plus grands scandales de l’histoire du Royaume-Uni. L’homme le plus riche du monde a accusé le premier ministre, Keir Starmer, d’avoir fermé les yeux sur ces horreurs alors qu’il était directeur des poursuites pénales d’Angleterre et du pays de Galles (de 2008 à 2013). Si cette accusation reste à être prouvée, il n’en va pas de même du déni qui a caractérisé l’administration britannique au nom du multiculturalisme et du « vivre-ensemble ».
Car c’est bien ce qui explique que ce trafic d’êtres humains ait pu atteindre une telle ampleur et durer si longtemps. Non seulement on n’a pas cru les victimes, mais dans de nombreux cas, on les a accusées d’avoir une vie dissolue et de l’avoir cherché. Plusieurs ont été torturées, menacées de mort et mises enceintes par leur agresseur. Elles étaient généralement recrutées par des chauffeurs de taxi qui leur offraient quelques faveurs avant de les livrer à ces gangs ethniques. Les victimes étaient majoritairement issues de milieux ouvriers pauvres, alors que les criminels étaient pour l’essentiel pakistanais. Malheureusement pour les premières, ces derniers ne cochaient pas la bonne case dans un pays qui a fait du multiculturalisme et de l’immigration une religion.
Le Royaume-Uni est en effet le paradis des programmes dits « d’équité, de diversité et d’inclusion » (EDI). Le gouvernement va jusqu’à tolérer des tribunaux islamiques qui appliquent la charia dans le droit familial. Il n’est pas rare que les porte-parole de la police commencent leurs interventions par « Salam aleykoum ». Résultat, la moindre critique du communautarisme peut coûter cher.
Ce déni a touché tous les partis, ces circonscriptions ouvrières étant néanmoins plutôt représentées par des travaillistes. L’ancien député travailliste de Rochdale Simon Danczuk a reconnu avoir subi des pressions politiques afin qu’il demeure discret sur le caractère ethnique de ces gangs de peur de s’aliéner le vote musulman. Pour avoir écrit que « la Grande-Bretagne a un problème avec des hommes pakistanais qui violent et exploitent des Blanches », la députée de Rotherham, Sarah Champion, a été relevée de ses fonctions de porte-parole du Parti travailliste en matière d’égalité. « Cela fait-il de moi une raciste ? Ou suis-je simplement déterminée à nommer cet horrible problème pour ce qu’il est ? » a-t-elle conclu.
Certains diront qu’il s’agit d’une histoire ancienne. Plusieurs procès ont déjà eu lieu et heureusement entraîné des réformes dans la police et les services sociaux. Mais le dossier est loin d’être clos. D’abord parce que des dizaines de violeurs courent toujours. Selon le journaliste Charlie Peters, de GB News, ces gangs seraient toujours actifs dans une cinquantaine de villes. Mais surtout, le pays n’a toujours pas pris la mesure des dérives auxquelles peut conduire le communautarisme.
Or, qu’invoque le premier ministre pour refuser d’ouvrir une enquête nationale ? Qu’elle ferait le jeu de l’extrême droite ! Toujours la même sempiternelle raison qui a favorisé la loi du silence pendant si longtemps. Le peuple étant évidemment trop obtus et raciste pour faire la part des choses et connaître la vérité. Oublions Elon Musk un instant. Cette enquête a été réclamée par l’opposition conservatrice, qui voit dans cette affaire une immense faillite de l’État. Elle l’a aussi été par une fraction du Parti travailliste ainsi que par plusieurs personnalités, comme la célèbre romancière J.K. Rowling et surtout l’ancienne policière Maggie Oliver, qui fut la première à enquêter à Rochdale. « Quand le premier ministre accuse ceux d’entre nous qui veulent faire toute la lumière sur cette affaire d’être des extrémistes de droite, j’ai peur de ne pas avoir confiance en sa volonté d’aller au fond des choses », a déclaré celle qui a donné son nom à une fondation chargée de venir en aide aux victimes de violences sexuelles.
Cette attitude tranche avec le silence de nombreuses féministes. La première à refuser une enquête nationale, comme le demandait le conseil municipal de Oldham, fut la féministe Jess Phillips pourtant sous-secrétaire d’État à la sauvegarde et aux violences faites aux femmes. Connue pour son militantisme, elle est aussi députée travailliste de Birmingham Yardley, une circonscription qui compte une forte proportion d’électeurs musulmans.
« Faire le jeu de », n’est-ce pas justement ce genre d’argument qui a été à l’origine du drame ? Récemment, les viols abominables commis par une cinquantaine d’hommes sur Gisèle Pelicot en France ont ému avec raison le monde entier. Le Royaume-Uni, lui, n’a toujours pas fait la lumière sur ce qui s’avère pourtant être une affaire Pelicot à la puissance cent.
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