Plaidoyer pour la résilience économique
L’histoire économique est marquée par des turbulences, des crises et des décisions politiques imprévisibles. L’annonce récente par les États-Unis de l’imposition de tarifs douaniers de 25 % sur certaines importations du Canada, finalement mise sur pause lundi pour 30 jours, ajoute une nouvelle épreuve à cette longue liste.
Pourtant, si l’histoire nous enseigne une chose, c’est que le capitalisme, malgré ses imperfections, s’est toujours adapté.
Il est essentiel de se rappeler que les entreprises sont des entités dynamiques et plus agiles que les gouvernements dans leur capacité à réagir aux chocs externes. Une entreprise, face à un obstacle, se doit de toujours trouver une solution, c’est une question de survie. Comme l’eau qui contourne les barrages pour atteindre sa destination, nos entreprises canadiennes devront adapter leurs stratégies, diversifier leurs marchés et renforcer leur compétitivité.
Les petites ou moyennes entreprises (PME), qui constituent le cœur de notre économie, devront être résilientes. Bien que celles qui exportent vers les États-Unis en soient très dépendantes, seulement une minorité d’entre elles exportent et, pour celles qui le font, les États-Unis ne sont pas la seule option. Cette crise doit être l’occasion de diversifier nos marchés. Ce n’est pas une option, mais une nécessité. La Banque du Canada dispose de leviers monétaires pour soutenir l’activité et aider nos entreprises. Elles seront plus fortes après ces turbulences.
Contrairement à ce que l’on pourrait craindre, plusieurs industries canadiennes devraient être relativement épargnées si le gouvernement Trump mettait ses menaces à exécution. Le commerce de détail, la restauration, le tourisme, la technologie et la construction ressentiront peu d’effets directs. Quant aux ressources naturelles, elles demeurent en grande partie incontournables pour les États-Unis, car il n’existe pas de substitut immédiat au pétrole, au gaz, à l’aluminium et à l’acier canadiens. De plus, certaines industries manufacturières clés bénéficient déjà de mesures de soutien gouvernemental, ce qui atténuera leur exposition aux nouvelles barrières commerciales.
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Ces nouvelles barrières tarifaires risqueraient de se retourner contre les États-Unis. L’industrie américaine dépend fortement des importations canadiennes, notamment dans les secteurs de l’aérospatiale, de l’automobile et de l’énergie. Selon les analyses du Wall Street Journal, l’augmentation des coûts liée aux tarifs pourrait alimenter l’inflation aux États-Unis et contrecarrer la stratégie de la Fed en matière de taux d’intérêt. De plus, près de la moitié des États américains ont le Canada comme principal partenaire commercial. Au Montana, dans le Maine ou encore au Dakota du Nord, les réactions risquent d’être vives face à une hausse des coûts pour leurs industries locales.
Officiellement, cette guerre commerciale, suspendue lundi pour au moins 30 jours, a été justifiée pour lutter contre le fentanyl. Est-ce un écran de fumée ? Soit cette crise servirait à renégocier les termes commerciaux à l’avantage des États-Unis, en plaçant le Canada en position de faiblesse, soit elle dissimulerait des visées stratégiques sur nos ressources naturelles. Plusieurs matériaux critiques, comme le cobalt, le graphite et l’uranium, sont au cœur des préoccupations américaines. Certains de ces minéraux, indispensables aux batteries et aux équipements de haute technologie, pourraient être exemptés des tarifs en raison de leur rôle dans la sécurité nationale des États-Unis. Dans ce dernier cas, l’enjeu dépasse largement le commerce. Mais si cette crise cache une volonté plus large de renforcer le contrôle américain sur les chaînes d’approvisionnement en ressources essentielles, alors la souveraineté économique, culturelle et territoriale du Canada est en jeu.
Le capitalisme, malgré tous ses défauts, s’est relevé de toutes les crises qu’il a traversées. Il s’adapte constamment. De la grande dépression aux chocs pétroliers, en passant par les crises financières et les guerres commerciales, les entreprises ont toujours su rebondir, trouver de nouvelles voies et tirer profit des changements. Ce nouvel épisode ne devrait pas faire exception. Nos entrepreneurs, armés de leur sens de l’innovation et de leur capacité d’adaptation, doivent transformer cette contrainte en occasion. Car au-delà des considérations économiques, cette crise est une occasion pour le Canada et ses provinces de se recentrer sur ce qui les distingue.
Cette crise pourrait aussi devenir un tournant pour l’unité nationale du pays, un rappel que nous avons des valeurs propres, distinctes de celles de nos voisins du Sud. Alors que le protectionnisme américain pousse à l’isolement, le Canada doit choisir l’ouverture et la coopération économique. L’innovation et la collaboration avec d’autres partenaires commerciaux pourraient devenir les piliers de notre stratégie économique.
Si cette guerre commerciale s’avère, il nous faudra une réponse collective, structurée et déterminée. Si elle cache des ambitions plus vastes, nous devrons protéger notre souveraineté économique, organiser notre résilience et anticiper les futures menaces.
Ainsi, peut-être, dans quelques années, regarderons-nous cette période comme un tournant qui aura permis au Canada d’affirmer sa place dans l’économie mondiale avec encore plus de force et d’indépendance.
Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.