Illégitime et frauduleux

Comme prévu, Nicolás Maduro s’est déclaré vendredi président du Venezuela pour un troisième mandat de six ans. Il l’a fait sans avoir fourni un seul élément de preuve pour confirmer sa prétendue victoire aux élections du 28 juillet.

Face aux protestataires descendus la veille dans les rues pour clamer l’illégitimité d’un président réélu par la fraude, le régime a déployé la répression et quadrillé les rues de la capitale. Il a multiplié les arrestations, y compris celle de la leader de l’opposition, María Corina Machado, qui aurait été brièvement détenue.

Résultat : les manifestations n’ont pas retrouvé le niveau de la période 2014-2017, avec des mobilisations qui impliquaient des centaines de milliers de protestataires. Mais elles rappellent que ce gouvernement est vomi par une bonne partie de la population.

***

Le 28 juillet au soir, le successeur de Hugo Chávez avait revendiqué la victoire, après un décompte fictif et sans pouvoir réfuter les preuves présentées par l’opposition.

Dans une manœuvre habile et imparable, les opposants coalisés avaient préparé, pour ce jour fatidique, une collecte parallèle des procès-verbaux… lesquels contredisaient les résultats officiels.

Ils ont confirmé que le vainqueur, par une forte marge (au moins les deux tiers des suffrages exprimés, se basant sur plus de 80 % des documents officiels), était le candidat Edmundo González Urrutia, remplaçant de la charismatique Machado, véritable patronne de l’opposition, dont la candidature avait été bloquée pour des raisons fantaisistes.

Cependant, le contrôle absolu du chavisme sur toutes les institutions, y compris la commission électorale, les plus hautes cours et toutes les forces répressives, a forcé une troisième investiture de Maduro.

Mais, cette fois, la dictature est nue. Ce régime n’a plus comme arguments que les menaces et intimidations contre ses adversaires, la matraque dans la rue, la dénonciation rituelle de « l’impérialisme » et des « fascistes » qui les soutiendraient.

À l’exemple du Centre Carter, invité à suivre les élections par les autorités vénézuéliennes elles-mêmes, les observateurs compétents ont statué que ces élections « ne peuvent être considérées comme démocratiques » et qu’au contraire, les résultats de l’opposition sont crédibles.

L’investiture a été rejetée par une grande majorité de pays. Canada, États-Unis, Union européenne ont dénoncé la fraude et boycotté l’investiture. Mais également la majeure partie des gouvernements latino-américains. Reflet de l’isolement de Caracas, seuls deux dirigeants latino-américains ont assisté à la cérémonie : le Cubain Miguel Díaz-Canel et le Nicaraguayen Daniel Ortega. Beau duo de démocrates, connaisseurs en élections libres.

Ce qu’il y a de nouveau ici, c’est que la manœuvre n’est pas dénoncée qu’à droite. Une majorité de la gauche sud-américaine dénonce la brutalité et le caractère frauduleux du régime de Caracas.

Le président chilien, Gabriel Boric, a été explicite : « De la gauche, je vous dis que le gouvernement Maduro est une dictature. »

***

Que fera Trump II face au Venezuela ?

Trump I avait appliqué une politique intransigeante, hostile… et maladroite pour tenter de chasser le régime Maduro, avec des sanctions sévères, en janvier 2019, sur les exportations pétrolières, dites de « pression maximale » (slogan américain de l’époque).

Ces sanctions s’étaient doublées en même temps d’une reconnaissance officielle du gouvernement alternatif du président de l’Assemblée nationale : ce fut le déplorable épisode Juan Guaidó, symbole d’une diplomatie trumpienne tout en improvisation. Un échec lamentable… non pas dû à la popularité du régime, mais à la désorganisation et à l’épuisement de l’opposition.

Épuisement lié à la misère généralisée et à l’exode des éléments les plus motivés. À compter de 2018, ce pays s’est vidé de ses forces vives : pas moins de 7 millions de Vénézuéliens ont voté avec leurs pieds, allant se réfugier dans les pays environnants (Colombie, Pérou) et au-delà (Amérique centrale, Espagne, États-Unis).

Détail important : la crise économique vénézuélienne et le plongeon épouvantable du niveau de vie avaient commencé dès 2013, avec une perte de 80 % de l’activité économique entre 2013 et 2020 (la moitié avant 2019, la moitié après). Cette chute est d’abord endogène ; elle commence bien avant les sanctions — même si celles-ci ont accentué la tendance.

Trump optera-t-il de nouveau pour la ligne dure ? Possible — avec un Marco Rubio comme secrétaire d’État —, mais pas sûr. Il pourrait décider un beau matin qu’un retour négocié des réfugiés au pays contre une normalisation serait une bonne affaire.

Pour mémoire : Joe Biden avait assoupli les sanctions en octobre 2023, relançant partiellement le commerce pétrolier avec le Venezuela : en juillet 2024, Caracas exportait de nouveau 308 000 barils de pétrole par jour vers les États-Unis, non loin des niveaux des années 2010.

***

Après cet épisode des 9 et 10 janvier, le régime reste-t-il bien en selle ?

On l’a encore vu récemment en Syrie : des dictatures apparemment inamovibles peuvent tout à coup s’effondrer. Et on découvre — mais seulement après coup — que « mais oui, bien sûr, c’était inévitable, ça devait arriver ».

María Corina Machado multiplie les interviews où elle dit que le peuple est massivement avec l’opposition (plausible) et que l’armée serait en train de se diviser (à voir)… et donc, qu’un effondrement du régime — comme en Syrie, prétend-elle — pourrait survenir.

L’internationale autoritaire, aussi appelée « l’axe anti-impérialiste » Chine-Russie-Iran (soutiens de Caracas), dont les alliés de seconde ligne incluent (incluaient) la Corée du Nord, le Venezuela, le Nicaragua et la Syrie, n’a pas le vent dans les voiles en ce moment. Le Venezuela sera-t-il le prochain domino ?

Pour joindre l’auteur: francobrousso@hotmail.com.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

À voir en vidéo