Les fonds distincts sont-ils trop chers?

Les investisseurs s’intéressent de plus en plus aux frais qu’ils paient sur leurs investissements. Ce retour du balancier est parfaitement normal, car il fut un temps où cette nécessaire discussion réglementaire n’était pas systématiquement au rendez-vous. À travers cette lorgnette, des produits comme les fonds distincts peuvent rapidement être catalogués comme trop coûteux, ceux-ci présentant en effet des frais de gestion plus élevés que ceux généralement associés à des fonds communs, à des fonds négociés en Bourse et à un portefeuille en valeurs mobilières. Mais faut-il les bouder pour autant ?

Pour trancher, il faut bien comprendre les caractéristiques de ces fonds distincts. Résumons déjà la question en disant qu’il s’agit de fonds d’investissement distribués par des compagnies d’assurance-vie qui incluent une garantie en cas de décès et une garantie qui s’applique après un nombre d’années déterminé (10 ans, 15 ans ou à échéance du contrat).

Parfois, ces fonds sont des produits « maison » gérés par un gestionnaire au sein même de la société d’assurances. D’autres sont des fonds de sociétés de placements reconnues, mais distribués par l’assureur par le truchement d’un contrat individuel à capital variable.

Un placement assorti d’une garantie

Les fonds distincts sont appropriés pour les investisseurs qui tolèrent moins bien le risque. En effet, les garanties à échéance permettent de bénéficier d’une protection du capital investi après un certain nombre d’années, dans la mesure où il n’a pas été retiré. Ce type de contrat prévoit des réinitialisations permettant de rajuster la garantie au fil du temps, donc de « cristalliser » les gains du marché.

Si vous détenez ce type de contrat, vous devez vérifier si ces réinitialisations se font chaque année, ou selon des intervalles préalablement déterminés. Il est possible qu’elles soient automatiques et qu’elles ne s’appliquent qu’à la garantie à échéance ou seulement au décès.

En effet, la garantie du montant d’argent investi n’est pas nécessairement la même du vivant de la personne ou au décès. Vous pouvez repérer le type de garantie grâce à une série de chiffres : 75/75, 75/100, 100/100. Le premier indique le pourcentage du capital garanti à échéance et le second, au décès. Par exemple, si vous avez investi 100 000 $ dans un fonds distinct 75/100, vous pourrez retirer à échéance la somme la plus élevée entre la valeur marchande ou 75 000 $ (75 % de 100 000 $).

Au moment de votre décès, vos bénéficiaires recevront la somme la plus élevée entre 100 % du montant d’argent investi ou la valeur marchande.

Outil privilégié de planification successorale

Si votre horizon de placement est très loin, vous serez naturellement plus disposés à tolérer les marchés baissiers et la volatilité. Par contre, à l’étape de la planification de la retraite ou de votre planification successorale, vous serez plus sensibles à l’importance de protéger le patrimoine pour vous et vos héritiers.

Ainsi, la garantie au décès devient un outil intéressant à envisager pour le transfert du patrimoine. D’autant plus qu’avec les fonds distincts s’ajoute la possibilité de désigner un ou des bénéficiaires, en plus d’un titulaire successeur. Dans le cas de la désignation d’un conjoint comme rentier successeur ou bénéficiaire, le roulement fiscal est facilité. Par exemple, à titre de titulaire successeur, votre époux ou conjoint de fait devient le nouveau titulaire de votre compte d’épargne libre d’impôt (CELI) à votre décès, peu importe le montant de ses droits de cotisation inutilisés.

Des avantages intangibles

D’autres éléments sont souvent négligés, comme les défis, le temps et l’énergie associés au règlement d’une succession. Depuis quelques années, tous les délais des différentes étapes qui la composent ont augmenté, même pour les successions les plus simples. Avec les fonds distincts, vos héritiers se verront distribuer rapidement le solde de ces comptes à votre décès, ceux-ci étant en effet « sortis » de la succession. En désignant des bénéficiaires, vous faciliterez en partie le travail du liquidateur. Il importe toutefois que votre choix de bénéficiaires soit cohérent avec vos objectifs successoraux.

Les fonds distincts représentent aussi une solution méconnue des entrepreneurs, qui sont plus à risque de faire l’objet de réclamations de la part de leurs créanciers. Avec la désignation d’un bénéficiaire irrévocable ou d’un conjoint légal par exemple, il est alors possible d’obtenir cette éventuelle protection. Il vaut mieux, bien sûr, discuter de cette désignation avec un professionnel en amont.

Verdict ? Les fonds distincts ne sont pas forcément à bouder, car leur coût ne sera pas trop cher s’ils répondent à vos besoins. Cela étant posé, si le recours à ces fonds est fort utile comme élément de planification successorale, il sera toutefois remis en question si vous êtes en période d’accumulation du capital.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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