L’année de tous les contrastes

À pareille date l’an passé, les marchés financiers étaient plongés dans un climat d’incertitude. Les prévisions pessimistes abondaient, certains voyant dans le marché une véritable bombe à retardement. Les investisseurs faisaient preuve d’une prudence excessive, inquiets face à l’inflation, aux hausses de taux d’intérêt soutenues, à une récession imminente et aux multiples tensions géopolitiques. Pourtant, 2024 s’est révélée une année exceptionnelle. Les rendements des marchés boursiers ont dépassé toutes les attentes, déjouant les prévisions des analystes les plus sceptiques. Mais pour l’année 2025, les investisseurs doivent-ils se méfier de cette euphorie récente, se préparer à des chocs ou poursuivre leurs stratégies habituelles ?

L’une des principales sources d’incertitude cette année sera sans contredit l’impact de Donald Trump sur les marchés financiers. Avec son retour en première ligne de la scène politique américaine, son influence polarisante et son style imprévisible, la volatilité pourrait s’intensifier. Les marchés ont montré une forte sensibilité aux déclarations et aux actions du président désigné, notamment en matière de politique commerciale et internationale. Les investisseurs pourraient devoir jongler avec des risques accrus d’instabilité politique et de tensions géopolitiques, particulièrement dans les relations avec la Chine et Taïwan.

Si la prudence s’impose, elle ne doit pas conduire à l’inaction, car l’histoire nous enseigne que les moments d’incertitude peuvent offrir aussi des occasions uniques dans ce genre de situation.

Il faut aussi se demander si les marchés peuvent maintenir leur élan après une année de rendements exceptionnels, surtout aux États-Unis. Statistiquement, après une performance boursière hors norme, les marchés tendent à afficher des rendements moyens plus modérés l’année suivante. Ce n’est pas nécessairement synonyme de désastre, mais cela nous rappelle l’importance de réévaluer nos attentes comme investisseurs.

De plus, aux États-Unis, les gains de 2024 ont été particulièrement concentrés dans un petit groupe de titres technologiques dominants. Un marché si fortement tributaire d’une poignée d’entreprises devient vulnérable à un choc spécifique à ces dernières. Les investisseurs devront donc se questionner sur la soutenabilité de cette dynamique et envisager une diversification géographique et sectorielle plus grande, car les performances du marché américain contrastent énormément avec celles des autres régions du monde.

Investir aux États-Unis est un automatisme pour les investisseurs internationaux, mais cette concentration excessive comporte son lot de risques.

Parallèlement, le Canada pourrait faire face à des vents de face, particulièrement à cause de Trump et de ses menaces tarifaires, mais aussi en raison du secteur immobilier. Les emprunteurs, qui ont contracté leurs hypothèques à des taux historiquement bas pendant la pandémie, devront les renouveler à des niveaux vraiment plus élevés. Cette situation risque d’amener plusieurs ménages à faire preuve de prudence dans leur consommation.

Sur la scène mondiale, les marchés émergents, et plus particulièrement la Chine, suscitent des interrogations. Après une période prolongée de stagnation, la deuxième économie mondiale pourrait-elle rebondir en 2025 ? Les perspectives de croissance chinoise restent incertaines, freinées par des tensions géopolitiques persistantes, un endettement interne préoccupant et un climat de méfiance envers ses pratiques commerciales. Toutefois, la Chine conservera un potentiel de rebond si elle parvient à stimuler sa demande intérieure et à regagner la confiance des investisseurs étrangers.

Enfin, les tensions géopolitiques continuent d’alimenter l’instabilité. La guerre en Ukraine s’éternise, le conflit au Moyen-Orient complique davantage les dynamiques régionales, et la situation entre la Chine et Taïwan reste une poudrière potentielle. À cela s’ajoute le spectre de politiques protectionnistes qui pourraient venir perturber les chaînes d’approvisionnement mondiales, en augmentant les coûts pour les entreprises et en freinant la croissance mondiale.

Dans ce contexte complexe et incertain, la diversification demeure la meilleure ligne de défense. Répartir ses investissements entre différentes classes d’actifs, de secteurs et de régions offre une protection contre les chocs imprévus et limite l’exposition aux risques. De plus, les investisseurs doivent faire preuve de prudence dans leur utilisation de l’endettement. Avec des taux d’intérêt qui ne reviendront jamais aussi bas que vers la fin des années 2010, l’effet de levier devient un pari plus risqué, même pour les entreprises les mieux positionnées. Malgré toutes les prévisions, les menaces détectées ou les stratégies déployées, ce sont souvent les événements imprévus qui bouleversent le plus les marchés. Ce qui ne changera jamais, c’est le changement.

L’année 2025 s’annonce riche en défis, mais elle offre également des occasions pour ceux qui sauront naviguer avec discipline et humilité.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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