Changer mon portefeuille pour Trump?

On parle beaucoup de Donald Trump depuis la campagne électorale américaine de cet automne. L’assermentation du président, lundi, a généré une couverture médiatique intense — et justifiée. Ce changement de garde aux États-Unis est porteur de potentiels effets économiques pour lesquels il vaut mieux se préparer dès maintenant.

« Je suis inquiète de l’avenir. L’arrivée de Trump au pouvoir et toutes ses menaces ne justifient-elles pas des changements à mon portefeuille de placements, ou d’attendre avant d’investir ? » demande une lectrice. La question vous a peut-être aussi effleuré l’esprit en cette période inédite. Cela se comprend.

Que se passera-t-il avec mon portefeuille en 2025 ?

Je ne vois qu’une seule certitude : 2025 nous réservera des surprises. Lesquelles ? Difficile de le dire pour l’instant. Ce que nous savons, par contre, c’est que la divergence entre le taux de croissance du Canada et celui des États-Unis est déjà flagrante. Nous savons aussi que l’économie canadienne devrait continuer de bénéficier des baisses de l’inflation et des taux d’intérêt.

Du côté américain, nous savons que l’économie se porte beaucoup mieux. Une forte expansion économique américaine telle que le promet Trump pourrait être favorable au Canada, mais elle ne le sera pas si les menaces du président entourant les tarifs douaniers se concrétisent, car leurs impacts se feraient alors sentir dans bien des secteurs. Il s’agit de l’enjeu majeur de 2025 pour les investisseurs canadiens.

Toute cette attention sur les tarifs douaniers peut nous faire perdre de vue que d’autres secteurs, comme l’immobilier, pourraient bénéficier du contexte de baisse de taux au Canada. Nous faire oublier aussi que certaines sociétés canadiennes bénéficieront de l’engouement pour l’intelligence artificielle (IA) et que des sociétés financières canadiennes ayant des activités aux États-Unis pourraient également bénéficier des assouplissements promis par Donald Trump.

Ce ne sont là que quelques exemples faisant ressortir que l’élément clé à valider dans votre portefeuille est non seulement la diversification géographique, mais également la diversification sectorielle. La sélection des titres dans le portefeuille, qui passe incognito en période de croissance, devient cruciale en période de brouillard. Concrètement, si vous utilisez des portefeuilles gérés, leurs gestionnaires s’occupent de cette répartition tactique.

Retour sur des concepts fondamentaux

La question suivante est celle-ci : est-ce que je dois changer quelque chose à mon portefeuille pour Trump ? La réponse sera généralement non, si votre portefeuille mise sur la diversification, bien sûr. Si votre nervosité vous donne l’envie de sortir des marchés pour vous tourner vers les liquidités afin d’éviter une baisse, il vous faut comprendre que vous vous soumettrez alors à d’autres risques. Le principal étant d’avoir à déterminer, plus tard, le meilleur moment pour revenir dans les marchés et, comme plusieurs l’ont vécu en 2023, risquer de manquer les périodes de gains parce que vous êtes prisonnier de la sécurité conférée par les liquidités.

Il est plus facile de répondre à la question : faut-il reporter des investissements ? Chaque année depuis la création de la Bourse, il y a eu des événements politiques ou sociaux, des guerres, des contextes économiques défavorables qui ont pu nous faire croire que le moment n’était pas bon pour investir. Afin de profiter de la croissance des marchés sur le long terme, l’investisseur doit accepter une certaine proportion d’épisodes de risque ainsi que la volatilité des marchés boursiers. Investir sur une base régulière, sans anticiper les marchés, est un conseil élémentaire à appliquer pour s’éviter ce genre de dilemme.

Votre portefeuille global est construit afin de répondre à des objectifs à court, à moyen et à long terme. S’il faut, en période de turbulence, conserver le cap et faire preuve de patience pour le long terme, il faut aussi gérer les risques à court terme. Par exemple, sachant que le contexte pourrait être défavorable aux énergies renouvelables, il faut comprendre que ce choix d’investissement n’est peut-être pas approprié pour un court horizon de placement.

Au-delà des faits, une attitude

L’investissement exige de son propriétaire qu’il conserve une posture rationnelle, alors que l’être humain est constamment guidé par ses émotions, ce qui décuple les exigences nécessaires pour tenter de rester raisonnable. En tant que citoyen, il est normal, voire souhaitable, de vouloir s’informer sur l’état du monde. Le choix des sources d’information et de la quantité à absorber étant lié à nos émotions, il est toutefois dangereux de prendre des décisions financières à partir de manchettes alarmistes.

La distinction entre maîtrise et contrôle devient alors fondamentale. Par exemple, nul ne peut contrôler l’environnement politico-économique dans lequel nous évoluerons dans les prochains mois ni les conséquences des différents actes qui seront posés par le nouveau président américain. Par contre, chacun peut maîtriser ses finances personnelles. En mettant en place des actions pour conserver des finances saines — ou pour les redresser, au besoin — et en faisant des choix posés et mesurés, notre capacité d’adaptation en période de turbulence économique s’en trouvera augmentée.

Et si la panique vous a déjà envahi, il n’est pas trop tard pour demander conseil à des experts pour tenter de mieux comprendre la composition de votre portefeuille.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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