Le Canada désuni contre les États-Unis
Le Canada était à l’origine le fruit d’une entente entre deux peuples fondateurs, les Canadiens anglais et les Canadiens français. Les Canadiens français étaient tout de même désavantagés dans le rapport de force qui les amenait à signer cette entente ; ils avaient perdu le soutien de leur mère patrie et se retrouvaient sous la coupe de l’Église catholique, qui en assurait la soumission aux autorités britanniques. Pierre Elliott Trudeau, qui méprisait les Canadiens français, a contribué à les humilier et à les affaiblir en rapatriant la Constitution canadienne aux seules mains du gouvernement central canadien. Lors de la Révolution tranquille, les Québécois francophones se sont libérés du joug et des valeurs de l’Église, mais ils n’ont pas voulu se doter de leur propre constitution et ont adopté massivement les valeurs anglo-saxonnes et américaines : la liberté individuelle, le droit du plus fort et l’enrichissement personnel infini.
Justin Trudeau a contribué tout autant à l’affaiblissement des Canadiens français en apportant son soutien et celui de son parti politique à un État postnational, c’est-à-dire à un melting pot à l’américaine, dans lequel les nations d’origine recevaient l’apport de diverses nations étrangères et en perdaient peu à peu leurs originalités, leur force et leur influence.
Trump savait-il ce qu’il faisait lorsqu’il s’est mis à souffler sur le feu qui couvait lentement, mais sûrement, sous la marmite canadienne ? J’en doute. Il a contribué à réveiller bien des Canadiens qui dormaient au gaz naturel et surtout au pétrole et pour qui le Canada n’est qu’une immense source de richesses. Quant au petit peuple, il ne se questionne guère sur les valeurs communes défendues théoriquement par l’État canadien et c’est sans trop de remords qu’il laisse couler tous ces marginaux qui ne sont pas suffisamment productifs.
Les mythes sur lesquels le Canada s’est construit renaîtront-ils de leurs cendres ? Les Canadiens sauront-ils s’unir afin de préserver cette part de l’héritage que constituent notre système démocratique et cette pluralité de voix dans le « plus » meilleur pays au monde ou céderont-ils aux sirènes américaines, quitte à sacrifier la sécurité de tous au droit individuel de porter des armes ? Le Québec pourra-t-il profiter de ce vent de solidarité et de respect mutuel entre les Canadiens pour prendre toute la place qui lui revient sur l’échiquier nord-américain et mondial ? Je ne sais.
Tout ce que je sais, c’est qu’il reste encore un peu d’espoir au fond de la boîte de Pandore.