Le Canada comme 51ᵉ État, un «running gag» à Washington, déplore Mélanie Joly

Les blagues sur l’idée de faire du Canada le 51e État américain continuent de fuser à Washington, au point que la ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly, a dû recadrer des sénateurs américains lors de ses rencontres diplomatiques.
« Je pense qu’ils n’ont pas conscience que ces commentaires ne passent plus au Canada. Je suis très claire avec eux que c’est offensant, et qu’ils ne sont ni appropriés ni acceptés », a indiqué la ministre dans une conférence de presse virtuelle en direct de Bruxelles, mardi matin.
« J’ai dit à la délégation américaine, lorsque certains sénateurs plaisantaient à ce sujet, que ce n’était pas drôle. C’est une question de respect de notre pays, de respect de nos dirigeants et de respect de notre peuple », a-t-elle ajouté.
La ministre Joly était de passage dans plusieurs pays d’Europe au cours des derniers jours, où elle a rencontré plusieurs homologues américains. Certains d’entre eux s’opposent toutefois fermement aux déclarations de leur président, Donald Trump, qui répète sa volonté d’annexer le Canada depuis des mois.
« J’entends aussi beaucoup de mes collègues américains [dire] qu’ils sont déçus de la rhétorique qui provient de la Maison-Blanche. Beaucoup d’entre eux s’excusent aussi au nom de leur administration », a-t-elle indiqué.
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Plus tôt ce mois-ci, le premier ministre Justin Trudeau déclarait que le président Trump était tout à fait sérieux dans son souhait de faire du Canada le 51e État. Lors d’une allocution qu’il croyait donner à huis clos devant des gens d’affaires, il affirmait que son homologue américain souhaite accéder aux ressources minérales essentielles du Canada, et que la seule façon d’y parvenir est « d’absorber notre pays ».
De grandes entreprises de commerce en ligne, telles qu’Amazon et eBay, ont récemment mis en vente plusieurs produits qui promeuvent le Canada comme 51e État, provoquant le mécontentement de milliers d’internautes.
Le président Donald Trump, qui menace toujours d’imposer des tarifs douaniers de 25 % sur les importations en provenance du Canada — mais de 10 % sur l’énergie — à compter du 4 mars, avait indiqué que le Canada éviterait les lourds tarifs s’il acceptait de devenir un État américain.
Les tarifs devaient entrer en vigueur au début de février, mais la Maison-Blanche a finalement accordé un sursis de 30 jours à Ottawa, le temps de répondre aux inquiétudes du président Trump concernant la sécurité à la frontière et le trafic de fentanyl.
Aide humanitaire
Le gouvernement Trump a récemment démantelé l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), et la ministre Joly s’inquiète de voir quelles en seront les conséquences sur la sécurité internationale.
Les États-Unis fournissent plus d’aide étrangère à l’échelle mondiale que tout autre pays, avec un budget d’environ 60 milliards de dollars en 2023, soit moins de 1 % du budget du gouvernement américain. Parmi les 26 pays les plus pauvres du monde, 8 d’entre eux reçoivent plus d’un cinquième de l’aide de l’USAID.
« J’ai passé le message à mon collègue [Marco] Rubio que quelque retrait américain [que ce soit permettra à] la Chine et à la Russie d’en bénéficier », a expliqué la ministre.
Plusieurs experts ont averti que les coupes de l’aide américaine pourraient profiter à Pékin et à Moscou, qui cherchent à sécuriser l’accès à des ressources à l’étranger. L’Ukraine a aussi été le plus grand bénéficiaire des fonds de l’USAID depuis que la Russie a lancé son invasion, en février 2022.
« J’ai eu plusieurs conversations avec le secrétaire d’État américain depuis les dernières semaines, on s’est parlé au moins une dizaine de fois sur la question de l’aide financière, de l’aide humanitaire et de l’aide au développement. C’est sûr que nous, on va continuer à soutenir les différentes ONG qui aident à sauver des vies », a indiqué Mélanie Joly.