Le Conseil des arts et des lettres du Québec ne dispose que de 160 millions

Il faut toujours un certain temps, après le dévoilement du budget, pour comprendre quels sont les crédits dont disposera le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ). Vendredi, les chiffres ont été confirmés. Le plus important conseil des arts provincial du pays dispose de 160,46 millions de dollars pour 2024-2025. Au dernier exercice, avant l’inflation, le CALQ avait reçu 161,18 millions. C’est moins d’argent, donc, en pleine période d’explosion des coûts. Et c’est 100 millions de moins que ce que le milieu du théâtre évaluait comme un seuil minimal viable. Regard sur ce grand écart.
En attendant le budget, le 6 mars dernier, le Conseil québécois du théâtre avait tenu un « café politique », pour chiffrer « le seuil minimal attendu » par le théâtre afin que le CALQ puisse arriver à répondre à ses mandats de soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts du Québec.
La soixantaine de participants avaient établi à 260 millions « ce seuil, qui expose [s’il n’est pas atteint] une ligne de rupture, un drapeau rouge », comme le nommait la coprésidente Michelle Parent dans un message Facebook.
Ce montant, à quelques millions près, circulait déjà dans les discussions des réseaux sociaux, de la bouche de gestionnaires chevronnés de la culture
Lors de la réflexion du CQT, ce montant avait été pensé à partir d’une attribution de 200 millions, à laquelle s’ajouterait une indexation minimale de 30 % « pour que [le CQT] faire face aux défis liés à l’inflation et à l’explosion des coûts ».
Une somme inférieure à 260 millions, jugeait l’organisme, « fera reculer les conditions du milieu de la culture et des arts » et ne permettra pas de préserver l’intégrité du milieu du théâtre.
L’Association professionnelle des diffuseurs de spectacles (RIDEAU) avait déjà réagi de son côté au budget, se révélant inquiet. « Il était nécessaire et urgent de procéder à un rattrapage historique de financement, en diffusion notamment. Actuellement, je vois difficilement comment ce sera possible », déclarait le président, David Laferrière.
« Il faut réagir »
Vendredi, le Regroupement québécois de la danse (RQD) diffusait un communiqué. « Nos appréhensions se matérialisent. Ainsi, le soutien aux arts de la scène est en recul, et ce, à un moment où sa fragilité est particulièrement prégnante », écrivait notamment sa directrice, Parise Mongrain.
« Les fonds spéciaux injectés dans le but de limiter les effets de la pandémie et autres mesures n’ont pas été reconduits », poursuit le RQD. « C’est donc la disparition de sommes que la bonification annoncée ne suffira pas à compenser. Cela est d’autant plus vrai que tous les autres programmes du CALQ ne seront pas même indexés. »
« Or, les effets de la crise sanitaire se font toujours sentir. Ils ont de surcroît provoqué des changements structuraux importants auxquels il faut réagir, dont le départ d’une main-d’oeuvre qui a fléchi sous la pénibilité du travail et l’épuisement », conclut l’organisme qui regroupe les danseurs, les professeurs et les chorégraphes.
La stabilité financière pour quatre ans
Ce budget du CALQ était particulièrement attendu, car 2024 est une année charnière. C’est cette année que l’octroi du Soutien à la mission du CALQ sera décidé. Ce financement sur quatre ans permet aux organismes culturels une assise financière pour cette période.
Nos appréhensions se matérialisent. Ainsi, le soutien aux arts de la scène est en recul, et ce, à un moment où sa fragilité est particulièrement prégnante.
Or, à cause de la pandémie, le dernier exercice d’octroi de financement pour le Soutien à la mission s’est tenu il y a sept ans, en 2017, comme l’a confirmé le CALQ au Devoir. Nombreux sont les jeunes organismes qui aspirent depuis à ce soutien. Nombreux sont les organismes ayant déjà fêté quelques anniversaires qui espèrent « passer au fonctionnement », comme on le dit dans le jargon. Et nombreux sont ceux qui en bénéficient qui souhaitent le voir augmenter pour pouvoir croître un peu, améliorer leurs conditions.
En 2023-2024, l’enveloppe au CALQ pour le Soutien à la mission était de 82,3 millions de dollars. Elle permettait de soutenir financièrement plus de 400 organismes artistiques. Les crédits alloués pour 2024-2025 au CALQ laissent prévoir, selon les commentaires des acteurs du milieu, que ce budget ne pourra répondre ni aux besoins ni aux attentes, et laissera plusieurs organismes dans une situation précaire.
La sélection des organismes qui recevront le Soutien à la mission pour les quatre prochaines années sera dévoilée à l’été, fort probablement en juin.
Une version précédente de ce texte, qui attribuait une citation de la directrice du Regroupement québécois de la danse, Parise Mongrain, à David Laferrière, du RIDEAU, a été corrigée. De plus, la définition exacte de l'acronyme de RIDEAU est: Association professionnelle des diffuseurs de spectacles et non pas Réseau indépendant des diffuseurs d’événements artistiques unis.