Un blâme partiel à Patrick Masbourian pour son entrevue avec Haroun Bouazzi

Une phrase prononcée par Patrick Masbourian au début d’une entrevue avec Haroun Bouazzi déroge aux normes et pratiques radio-canadiennes, selon l’ombudsman.
Photo: Valérian Mazataud Archives Le Devoir Une phrase prononcée par Patrick Masbourian au début d’une entrevue avec Haroun Bouazzi déroge aux normes et pratiques radio-canadiennes, selon l’ombudsman.

« J’espère que vous arrivez ici avec l’intention de vous excuser ce matin. » Cette phrase, prononcée par l’animateur d’ICI Première Patrick Masbourian au tout début d’une entrevue avec le député Haroun Bouazzi, au mois de novembre, a enfreint les normes et pratiques radio-canadiennes et lui doit un blâme partiel de l’ombudsman de la société d’État, Pierre Champoux.

La plainte, acheminée à la fin de l’an dernier à M. Champoux, reprochait à l’animateur de l’émission Tout un matin d’avoir manqué d’impartialité et d’équité lors d’une longue entrevue menée le 15 novembre 2024 avec M. Bouazzi, dans la foulée du scandale généré par ses propos sur le racisme à l’Assemblée nationale.

Dans cette entrevue, la seule qu’il a accordée pour donner sa version des faits, l’élu de Québec solidaire (QS) est bombardé de questions pendant presque une vingtaine de minutes, « plus du double de la durée initialement prévue » souligne le rapport de M. Champoux.

Bien qu’elle exonère en grande partie M. Masbourian, la décision de l’ombudsman radio-canadien retient partiellement les arguments de la plainte initiale. C’est une question, prononcée en ouverture d’entrevue, qui pose problème à ses yeux : lorsque l’animateur demande à son interlocuteur s’il « arrive ici avec l’intention de [s’]excuser ce matin ».

Dans ses communications avec l’ombudsman, le plaignant s’étonne du ton adopté par l’animateur à ce moment de l’entrevue. « Il aurait pu débuter en disant : “De nombreuses personnes considèrent que vos propos nécessitent des excuses. Prévoyez-vous vous excuser ?” » a-t-il proposé.

Dans sa réponse, l’ex-directrice générale d’ICI Première, Caroline Jamet, s’excuse, mais soutient que l’entrevue, proposée par M. Bouazzi lui-même, était nécessaire pour « faire écho aux critiques et questions soulevées par les propos de M. Bouazzi ».

Un avis partagé par M. Champoux, qui reproche toutefois à M. Masbourian la formulation de sa question d’ouverture. « L’intention était probablement bien fondée, mais ce qui a été dit en ondes, ce que l’auditoire a entendu, n’était pas à la hauteur de l’esprit ni de la lettre du principe d’équité, en ce qui a trait à l’obligation de traiter les personnes avec ouverture et de respecter leurs droits, dans ce cas-ci, le droit de donner sa version des faits », a-t-il indiqué dans sa décision finale.

Ainsi, malgré le fait que « Patrick Masbourian [a] fait ce qui était attendu de lui, devant un invité aussi habile que coriace », l’ombudsman de la société d’État juge que « la toute première question de l’entrevue de Patrick Masbourian avec le député Haroun Bouazzi […] a enfreint les Normes et pratiques journalistiques de Radio-Canada, au chapitre de l’équité ». La suite de l’entrevue, précise-t-il, « les a respectées ».

L’affaire Bouazzi

Menée en marge d’un congrès de Québec solidaire à la mi-novembre 2024, l’entrevue à Tout un matin avait permis d’entendre pour une première fois M. Bouazzi après qu’il eut dit dans un événement que le Parlement québécois favorisait « à tous les jours » la construction de « cet Autre, qui est maghrébin, qui est musulman, qui est noir, qui est autochtone, et de sa culture qui, par définition, serait dangereuse ou inférieure ».

Ces mots lui ont depuis valu d’être réprimandé dans trois motions différentes à l’Assemblée nationale. Sans s’excuser à l’ensemble des élus du Parlement, M. Bouazzi a admis en novembre dernier la « maladresse » de ses propos.

Dans un remaniement des responsabilités au sein du caucus de QS, l’élu de Maurice-Richard a perdu ce mois-ci son rôle de porte-parole en matière de finances et d’économie, une décision qu’il n’associe pas à la saga générée par ses propos.

M. Bouazzi n’a pas commenté la décision de l’ombudsman, mercredi.

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