Tilda Swinton ouvre une Berlinale placée sous le signe de la «résistance»

« L’inhumain est perpétré sous nos yeux » : l’actrice Tilda Swinton a placé dès son ouverture la 75e édition du Festival du film de Berlin sous le signe de la résistance face à l’extrémisme, et aux premières décisions du président Trump.
L’actrice britannique de 64 ans se voyait remettre un Ours d’or d’honneur pour sa carrière, dans une capitale sous tension : à dix jours des législatives allemandes, l’extrême droite (AfD) rêve d’un score historique.
Plus tôt dans la journée un attentat à la voiture-bélier a fait trente blessés à Munich. La Berlinale leur a rendu hommage.
Au-delà du contexte allemand, Tilda Swinton a dénoncé « des meurtres de masse organisés par des états, permis à une échelle internationale, [qui] terrorisent actuellement plus d’une partie de notre monde ».
« L’inhumain est perpétré sous nos yeux. Je suis libre de le dire, sans hésitation ni doute dans mon esprit », a poursuivi cette figure du cinéma d’auteur, vue chez Wes Anderson ou plus récemment Pedro Almodovar.
Elle a notamment brocardé le projet de Donald Trump de transformer la bande de Gaza en « côte d’Azur du Moyen-Orient ».
Premier grand rendez-vous de l’année de l’industrie du cinéma, la Berlinale s’est toujours vue comme un festival progressiste et politique, sans attirer toutefois autant de lumière que ceux de Cannes ou Venise, programmés plus tard dans l’année.
Sa nouvelle directrice, Tricia Tuttle, souhaite que la politique n’éclipse pas les films mais avait donné le ton jeudi matin dès la conférence de presse du jury : « Un festival comme celui-ci est un rejet […] de toutes les idées répandues par de nombreux partis d’extrême droite ».
« Nous traversons une crise particulière aux États-Unis, mais aussi dans le monde entier », a ajouté le président du jury, l’Américain Todd Haynes, réalisateur de Dark Waters, I’m not There et Carol.
Après « l’inquiétude et la stupeur » suscitées par les trois premières semaines de l’administration Trump, « la manière dont nous allons procéder pour réunir les différentes formes de résistance […] fait encore l’objet d’une réflexion », a-t-il dit.
Programmé pour l’ouverture du festival jeudi soir, le film The Light (La lumière) du réalisateur allemand Tom Tykwer met en scène l’arrivée d’une immigrée syrienne, embauchée comme gouvernante, dans une famille berlinoise.
19 films en lice pour l’Ours d’or
Connu pour Cours, Lola, cours en 1998, Tykwer fait son retour à l’Allemagne contemporaine, après avoir consacré une décennie à sa série Babylon Berlin, qui avait pour toile de fond la République de Weimar et la montée du nazisme.
The Light « dépeint des gens d’aujourd’hui, confrontés à l’intensité de l’époque contemporaine », a-t-il dit. Avec tant de sujets « controversés et contradictoires » dans l’actualité, « nous avons tendance à nous isoler » , a averti le réalisateur de 59 ans, lors d’une conférence de presse.
Les membres de la famille Engels — Tim, Milena et leurs jumeaux adolescents — vivent chacun dans leur bulle. Mais lorsque l’énigmatique Farrah, récemment arrivée de Syrie, débarque dans leur vie, ils se reconnectent lentement les uns aux autres.
« Ils sont coincés la tête sous l’eau et puis une énergie vient de l’extérieur et les tire hors de l’eau, leur permettant de se regarder à nouveau. Nous devons nous rapprocher à nouveau et arrêter de nous isoler autant », explique le réalisateur.
L’acteur allemand Lars Eidinger, qui incarne l’un des personnages principaux, a mis en garde contre la tendance à penser en catégories « bon et mauvais » et « blanc et noir », qui alimente la montée des extrêmes, selon lui.
Les membres du jury entreront dans le vif du sujet vendredi, avec la projection des premiers films en lice pour l’Ours d’or. Le jury doit départager 19 films pour succéder au documentaire Dahomey de la Franco-Sénégalaise Mati Diop.
Sont en compétition le réalisateur américain Richard Linklater, le Sud-Coréen Hong Sang-Soo, le Mexicain Michel Franco ou encore le Roumain Radu Jude.
Parmi les stars annoncées, Timothée Chalamet, Jessica Chastain, Marion Cotillard, Ethan Hawke ou Robert Pattinson. Ce dernier est à l’affiche, hors compétition, de Mickey 17, qui marque le retour au cinéma de Bong Joon-Ho, après le triomphe de Parasite.