Benoit Charette ne ferme pas la porte à la relance de GNL Québec

Dans la foulée des menaces de guerre commerciale des États-Unis, des élus ont plaidé, au cours des derniers jours, pour la relance des projets controversés comme GNL Québec.
Photo: Koji Sasahara Archives Associated Press Dans la foulée des menaces de guerre commerciale des États-Unis, des élus ont plaidé, au cours des derniers jours, pour la relance des projets controversés comme GNL Québec.

Malgré un rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) qui concluait que GNL Québec provoquerait une hausse des émissions de gaz à effet de serre (GES) et qu’il risquerait de ralentir la transition énergétique, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, ne ferme pas la porte à une relance de ce projet piloté par une entreprise américaine qui réclame 1 milliard de dollars en compensation financière au fédéral, en raison du rejet initial.

« À la base, on se souvient des conclusions du BAPE, on se souvient des conclusions du ministère de l’Environnement. Si on répond à ces craintes-là, aujourd’hui, ce sont des projets qui pourraient être acceptés. Ce sont des projets étudiés à leur mérite », a-t-il affirmé mercredi.

« Lorsque le projet était à l’étude, nous avions dit que nous avions un préjugé favorable. Mais le projet ne s’est pas qualifié ensuite. À la base, nous ne sommes pas fermés aux projets énergétiques », a ajouté le ministre. À l’époque du débat sur GNL Québec, le premier ministre, François Legault, avait même affirmé que cette usine de traitement d’une énergie fossile pourrait « aider la planète ».

Benoit Charette a souligné mercredi que la relance de ce complexe gazier et du gazoduc de 780 kilomètres passerait d’abord par le dépôt d’« une nouvelle demande » de la part des promoteurs.

Il faudrait toutefois que le projet soit « bonifié » pour que le gouvernement soit « ouvert à l’étudier », a-t-il dit. Il n’a pas précisé quels aspects seraient à réviser dans ce projet de liquéfaction et d’exportation de 11 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié chaque année. Le ministre a toutefois évoqué des « critères environnementaux ».

Interpellée elle aussi mercredi, la ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Christine Fréchette, a indiqué que tout projet doit obtenir l’« acceptabilité sociale ».

Est-ce que GNL Québec souhaiterait relancer le projet ? « Nous n’avons pas de commentaire sur ce sujet », a-t-on répondu par courriel.

Compensation financière ?

Les promoteurs du défunt complexe gazier ont par ailleurs lancé une action internationale pour obtenir au moins 1 milliard de dollars en compensation financière. Une audience est prévue l’an prochain dans ce dossier, qui s’attaque directement aux évaluations environnementales ayant mené au refus du controversé projet.

C’est la société américaine Ruby River Capital qui a déposé une demande d’« arbitrage » du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) du Groupe de la Banque mondiale, au nom de Symbio Infrastructure, l’entité chapeautant GNL Québec et Gazoduq.

Dans les documents déposés, les promoteurs accusent le gouvernement Legault d’avoir « illégalement instrumentalisé » le processus environnemental afin de répondre à « son agenda politique ». Leur plaidoyer critique sans détour le BAPE, qu’on accuse d’avoir mené des audiences « biaisées » ayant conduit à la rédaction d’un rapport tout aussi « biaisé », notamment en ce qui a trait à des « allégations spéculatives » concernant les émissions de GES imputables au projet.

Dans un rapport très critique publié en mars 2021, le BAPE concluait que le projet de liquéfaction et d’exportation maritime de gaz naturel albertain, à partir du Saguenay, entraînerait un « ajout net » d’émissions de GES.

En ce qui a trait aux risques pour les bélugas que représenteraient les passages quotidiens de navires méthaniers dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, le BAPE estimait que « tout accroissement du trafic maritime projeté dans la rivière Saguenay irait à l’encontre des efforts de rétablissement de cette population ».

Pipelines et gazoducs

Dans la foulée des menaces de guerre commerciale des États-Unis, des élus ont plaidé, au cours des derniers jours, pour la relance des projets controversés comme GNL Québec et le pipeline Énergie Est.

« Il n’y a pas de pipeline présentement qui passe à travers le Canada, pour venir vers chez nous. Ici, à Montréal, notre pétrole et notre gaz proviennent des États-Unis. Donc, c’est la grande question », a notamment dit mardi la ministre fédérale des Affaires étrangères, Mélanie Joly.

En fait, le pipeline 9B transporte du pétrole, notamment du pétrole de l’Ouest canadien, vers Montréal, depuis décembre 2015. Le Québec consomme également du gaz naturel provenant de l’ouest du pays et qui est transporté jusqu’ici par gazoduc.

La première ministre albertaine, Danielle Smith, a demandé récemment au gouvernement fédéral d’« approuver immédiatement le pipeline Énergie Est ». Une requête formulée également par le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Tim Houston.

Ce pipeline aurait traversé le territoire de six provinces. Au Québec, il aurait eu une longueur de 625 kilomètres. Il aurait traversé le territoire de plusieurs municipalités, quelques centaines de cours d’eau, dont le fleuve Saint-Laurent, des terres agricoles et des milieux naturels protégés. Il avait d’ailleurs suscité une très vive controverse en sol québécois. Surtout, Énergie Est n’a jamais mené à bien le processus d’évaluation environnementale fédéral ni celui du Québec. Il a été abandonné en 2017 par l’entreprise TransCanada, devenue depuis TC Energy.

Avec François Carabin


Une version précédente de cet article attribuait à Alexandre Shields le crédit de la photo coiffant le texte. Le photographe est en fait Koji Sasahara, pour l’Associated Press.

Les oppositions réagissent

Le député de Québec solidaire Alexandre Leduc a dénoncé mercredi l’idée de relancer des projets de transports d’énergies fossiles au Québec. « Si on veut être sérieux avec la transition énergétique et l’atteinte de la carboneutralité en 2050, on ne peut pas continuer d’investir des milliards de dollars pour trouver de nouveaux débouchés à l’industrie. Il faut se sevrer des hydrocarbures. »

Le député libéral André Fortin a pour sa part réagi en indiquant que son parti n’a pas eu de « conversations » au sujet des relances évoquées depuis quelques jours. « Je ne vais pas vous annoncer une nouvelle position puisqu’on n’a pas eu la chance d’en discuter », a-t-il dit.

Le Parti québécois a déjà souligné son refus du redémarrage de tels projets d’exportation des énergies fossiles de l’Ouest canadien. « Est-ce qu’il y a une acceptabilité sociale par rapport au risque pour la population ? Est-ce que c’est responsable sur le plan environnemental, alors qu’on est le joueur d’hydroélectricité par excellence en Amérique ? Je ne vois aucune logique à ce discours-là », a fait valoir récemment son chef, Paul St-Pierre Plamondon.

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