Bain de foule au Musée de la civilisation

L'exposition «Foules. Laboratoire humain» est présentée au Musée de la Civilisation de Québec du 19 décembre 2024 au 30 août 2026.
Photo: Marie-Josée Marcotte-Icône Musée de la civilisation de Québec L'exposition «Foules. Laboratoire humain» est présentée au Musée de la Civilisation de Québec du 19 décembre 2024 au 30 août 2026.

La foule, cette « étrange créature à mille têtes » qui happe tout un chacun au détour d’une manifestation, d’un festival ou d’un réseau social, s’expose au Musée de la civilisation de Québec (MCQ), dans une présentation qui propose de démystifier la physique qui régit ses mouvements, explique ses débordements et dicte ses codes inconscients.

L’humain, un animal éminemment social, n’échappe jamais à la foule. Une marche au centre-ville, un spectacle en salle ou, pourquoi pas, la visite d’un musée national sont autant d’occasions d’en faire partie. La science a posé sa loupe sur ce phénomène et le MCQ invite son public à en comprendre les lois inconscientes de façon vulgarisée, ludique et franchement fascinante.

D’abord présentée à la Cité des sciences et de l’industrie de Paris, l’exposition Foules. Laboratoire humain s’amène à Québec dans une adaptation toute locale. Née des travaux du chercheur Mehdi Moussaïd, auteur de Fouloscopie : ce que la foule dit de nous et chercheur en sciences cognitives, qui a fait, pour l’anecdote, ses premières armes à l’UQAM en 2004, l’exposition offre une immersion interactive et truffée d’anecdotes au cœur de la psychologie de la multitude.

Photo: Marie-Josée Marcotte-Icône Musée de la civilisation de Québec L’exposition «Foules. Laboratoire humain»

Comment se mesure une foule ? Qu’est-ce qui provoque son « tremblement », ce mouvement collectif qui dissout et emporte ses composantes individuelles ? Pourquoi une infinité d’unités forme-t-elle un tout qui se déplace, chante, s’enthousiasme ou s’indigne en chœur ? Le parcours d’une heure offert à Québec jette son filet dans la grande mer des sciences pour faire remonter des réponses issues autant de la physique que de l’analyse de données.

Tout objet d’étude a son unité de mesure, et celle de la foule s’appelle, sans surprise, la densité. L’exposition commence par une illustration par carottage de cinq occupations spatiales différentes. La vue d’un corps en trois dimensions, seul dans un mètre carré, n’échaudera pas les agoraphobes : ajoutez huit personnes dans ce même espace, par contre, et les mauvais souvenirs d’un parcours à bord d’un métro bondé remonteront à la mémoire à coup sûr. Le malaise aussi.

Une foule de paradoxes

C’est là un des nombreux paradoxes de la foule : elle magnifie l’exaltation des grandes réjouissances autant qu’elle repousse, effraie, incommode et donne parfois une licence aux plus grands déchaînements de violence. Elle permet la communion des masses, mais sert en même temps de carburant aux pandémies. La foule, capable du pire, mais aussi du meilleur, échappe aux conclusions faciles.

L’exposition permet néanmoins de mieux apprivoiser l’oiseau et de déjouer certains stéréotypes tenaces à son endroit. La foule ne fait pas que réduire le quotient intellectuel collectif à son plus bas dénominateur commun. La science, encore elle, a prouvé que les élans solidaires de la multitude, lors d’événements dramatiques comme la chute des tours du World Trade Center à New York ou l’attentat au Bataclan, à Paris, ont permis de sauver des vies.

Grâce à la foule, « le collectif peut corriger les erreurs individuelles », selon le mot du chercheur Moussaïd. Une salle avec quelques micros et trois chansons québécoises suffit à le prouver : même si chaque voix prise séparément fausse atrocement, une musicalité se dégage néanmoins de l’ensemble. Demandez encore à 788 personnes combien pèse le bœuf placé devant elles et elles auront tout faux. Faites la moyenne de leurs réponses, par contre, et l’estimation de l’ensemble passera à 4 kg de l’exactitude !

Partenariats internationaux à multiplier

Foules. Laboratoire humain enseigne aussi comment les interactions quotidiennes de la multitude se fondent dans une harmonie sans chef d’orchestre. Dans un corridor bondé, une foule se scinde instinctivement en deux selon le sens de la circulation. Dans le royaume animal, seuls les termites et les fourmis partagent la civile efficacité de cette « circulation bidirectionnelle ».

Photo: Marie-Josée Marcotte-Icône Musée de la civilisation de Québec L'exposition «Foules. Laboratoire humain»

La fin de l’exposition invite tout un chacun à jouer au dompteur de foule grâce à une ingénieuse trouvaille qui place le public dans la chaise des observateurs et des observés. Le dénouement de Foules teste aussi la faculté de la foule à rendre l’individu capable de transgresser ses limites et les interdits. Le public commettra-t-il le sacrilège de colorier les murs immaculés du musée malgré une consigne qui le défend ? À Paris, il a suffi d’une première désobéissance pour en entraîner mille autres. À voir si la foule québécoise se montrera plus « docile » que les cousins hexagonaux malgré un premier graffiti exécuté par nulle autre que la nouvelle directrice de l’institution, Julie Lemieux.

Avec Foules, cette dernière inaugure d’ailleurs sa première exposition depuis sa nomination encore fraîche de novembre. Elle espère, au cours de son mandat, multiplier les collaborations internationales semblables à celle qui a permis à Foules de traverser l’Atlantique. « Ça va être la clé, précise la nouvelle directrice. Nous avons quand même perdu du financement de la Ville de Québec pour notre prochain budget et il va falloir réorganiser nos façons de faire. Les partenariats, justement, sont moins coûteux pour le Musée, mais tout aussi créatifs et intéressants. »

Foules. Laboratoire humain

Au Musée de la Civilisation du Québec, jusqu’au 30 août 2026.

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