Article de loi visant à protéger les victimes d’agressions sexuelles: l’objection de Rozon est rejetée

Le fondateur de Juste pour rire, Gilbert Rozon, arrive au palais de justice pour son procès civil pour agression sexuelle à Montréal, le 19 décembre dernier.
Photo: Christinne Muschi Archives La Presse canadienne Le fondateur de Juste pour rire, Gilbert Rozon, arrive au palais de justice pour son procès civil pour agression sexuelle à Montréal, le 19 décembre dernier.

Gilbert Rozon n’aura pas le choix de composer avec un article de loi qui vise à protéger les victimes d’agressions sexuelles. La juge Chantal Tremblay de la Cour supérieure a déterminé dans un jugement rendu jeudi que l’article contesté s’applique bel et bien à son procès civil.

La disposition législative qui était dans la mire de M. Rozon est l’article 2858.1 du Code civil du Québec (CCQ), entré en vigueur le 4 décembre dernier, quelques jours à peine avant le début de son procès, dans lequel il est poursuivi en dommages par neuf femmes qui l’accusent d’agressions sexuelles.

L’article énonce que certains éléments considérés comme des « mythes et des préjugés » sur les victimes de violence sexuelle et conjugale sont « présumés non pertinents » dans le cadre de procédures judiciaires.

Il s’agit par exemple de tout fait relié au passé sexuel de la victime présumée, du fait qu’elle n’ait pas porté plainte immédiatement à la police ou encore qu’elle soit restée en relation avec son présumé agresseur : ces faits ne peuvent être utilisés contre la victime, notamment pour jeter un discrédit sur son témoignage et la fiabilité de ses propos. Les règles des procès font en sorte que ce qui n’est pas pertinent ne peut être offert en preuve.

L’article 2858.1 ne constitue toutefois pas une prohibition totale : toute personne peut encore les proposer devant le tribunal, mais elle aura le fardeau de démontrer qu’ils sont nécessaires.

Avant ou après l’adoption de l’article, peu importe

M. Rozon a plaidé, par la bouche de ses avocats, que l’article 2858.1 du CCQ ne s’applique pas à son procès, car les poursuites des demanderesses ont été intentées avant qu’il ne soit adopté. Selon le fondateur de Juste pour rire, c’est le droit en vigueur au moment des actes reprochés — des agressions sexuelles qui se seraient produites dans les années 1980 et 1990 — qui s’applique.

De plus, il plaide que l’article 2858.1 du CCQ le pénalise en lui imposant un nouveau fardeau de preuve et en nuisant à son droit de présenter une défense pleine et entière.

Les demanderesses et le procureur général du Québec sont plutôt d’avis que cet article de loi s’applique au présent procès : de toute façon, tous ces éléments relevant des mythes et préjugés étaient déjà reconnus comme « non pertinents » par la jurisprudence, ont-ils soumis. Et puis, 2858.1 ne vient que modifier la procédure à suivre et n’atteint pas les droits du défendeur.

La juge Tremblay leur a donné raison : l’article s’applique, écrit-elle.

M. Rozon peut maintenant demander que cet article soit déclaré inconstitutionnel — il avait déjà annoncé que telle était son intention.

Le procès prend une pause de deux semaines et reprendra le 3 février.

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