Un anglophone qui lit «Le Devoir» religieusement

Malgré la barrière linguistique, Chris Eustace choisit de lire «Le Devoir» pour sa couverture du milieu de l’éducation.
Photo: Adil Boukind Le Devoir Malgré la barrière linguistique, Chris Eustace choisit de lire «Le Devoir» pour sa couverture du milieu de l’éducation.

De son propre aveu, Chris Eustace « ne parle pas très bien français ». Pourtant, l’enseignant d’anglais à la retraite lit religieusement les pages du Devoir, souvent dès que l’édition numérique de la journée sort, « à minuit pile ». Pourquoi ? Parce que le quotidien « prête vraiment attention aux questions d’éducation », affirme l’anglophone de Pierrefonds.

« Quelqu’un m’a recommandé un article dans Le Devoir,  que je ne lisais pas parce que c’était un journal francophone, raconte M. Eustace par visioconférence. Mais j’ai fini par lire deux ou trois articles et je me suis dit : “Wow, cette organisation — Le Devoir —, ils développent et écrivent des articles à propos de l’éducation plus que n’importe qui d’autre.” Et ils le font encore », ajoute-t-il, en citant comme exemple une enquête de novembre dernier qui révélait que deux élus de la Commission scolaire English-Montréal avaient déjà été suspendus à la suite de plaintes en matière d’éthique. « Ils devraient gagner un Pulitzer pour ce texte », soutient-il tout sourire.

Chris Eustace est très impliqué dans le milieu anglophone de l’éducation. En plus d’y avoir enseigné pendant une trentaine d’années, celui qui aura 80 ans « dans les prochaines semaines » a présenté plusieurs mémoires au gouvernement du Québec, notamment en faveur de l’ancien projet de loi 40, qui a mis en place les centres de services scolaires. Son point de vue d’anglophone qui souhaite une réforme du système des commissions scolaires anglaises lui a d’ailleurs valu une participation en tant qu’« ami de la cour » — une personne qui fournit des observations pour éclairer les parties d’un procès — dans le dossier.

Lire Le Devoir en étant anglophone

En plus de le tenir informé sur le monde de l’éducation, Le Devoir lui permet également d’exercer son français. « Avant, je recherchais un mot sur deux. Mais maintenant, je regarde simplement les mots-clés et je sais exactement de quoi va parler l’histoire — ou, du moins, j’ai une bonne idée », raconte M. Eustace, qui dit devoir encore chercher la définition de termes plus compliqués ou singuliers.

Chris Eustace lit également des journaux anglophones, comme le Montreal Gazette, mais il trouve que ce dernier « contient très peu de nouvelles » et sort trop tard, d’où sa préférence pour Le Devoir. « Quand tu lis Le Devoir, il y a des catégories pour plusieurs sujets : la justice, la santé, la politique. Mais il y a aussi l’éducation. Et aucun journal anglophone n’a la même chose », dit l’ancien enseignant depuis le bureau où il lit le quotidien.

« C’est partiellement parce qu’il n’y a plus beaucoup de journalistes anglophones, mais le résultat est que les commissions scolaires anglophones utilisent [ce manque de couverture] à leur avantage », se désole-t-il.

Un lecteur qui collabore

Mais Chris Eustace ne fait pas que lire Le Devoir, il y est aussi publié. On peut fréquemment retrouver son nom dans les lettres de lecteurs publiées dans les pages Opinion du journal, où il écrit principalement sur l’éducation, mais aussi sur divers sujets d’actualité — comme la proposition d’une constitution pour le Québec, récemment.

Le journal étant francophone, ses lettres sont publiées en français, et c’est pour lui une autre occasion d’exercer la langue de Molière, lui qui parsème sa discussion en anglais de quelques mots de français.

Lorsqu’il écrit ses lettres, il les rédige d’abord en anglais, puis il les traduit en français. « Mais je vais être honnête, je m’assure de toujours avoir une personne qui parle français pour relire mes textes et m’assurer de bien comprendre les nuances, et vérifier mon orthographe et ma grammaire », admet-il. « Parce que je suis enseignant, je ne veux pas avoir l’air d’un idiot », ajoute-t-il avant d’éclater de rire.

Tout comme dans les mémoires qu’il a déposés et dans son rôle d’« ami de la cour » dans le dossier des commissions scolaires, Chris Eustace voit dans sa correspondance publiée dans les pages du Devoir une certaine continuation de sa carrière d’enseignant. « J’aime croire que j’éduque le public. Et, sans me vanter, je le fais. Je suis allé au tribunal au moins quatre ou cinq fois [en tant qu’ami de la cour] avec six juges différents. Ils doivent savoir que je sais quelque chose, sinon ils ne m’inviteraient pas », dit celui qui est maintenant arrière-grand-père.

« Mais, pour répondre à la question, oui, je crois que je rends un service au public. Et je me sens bien de le faire, parce que je sais que, dans quelques cas, j’ai fait économiser beaucoup d’argent au public, soutient-il. Et vous savez, une bonne partie des informations que je présente en cour ou dans mes mémoires, je la tiens d’articles sur l’éducation du Devoir », affirme M. Eustace, sourire au visage.

Les lettres préférées de Chris Eustace

Parmi toutes les lettres que Chris Eustace a publiées dans Le Devoir, celle du 17 juillet 2019, où il s’adresse au premier ministre François Legault pour dénoncer les « exagérations des dirigeants scolaires anglophones », est l’une de ses préférées. Publié dans la section Libre opinion, le texte de M. Eustace se voulait une réponse à l’article « François Legault inquiète les anglophones », publié le 13 juillet de la même année. Dans cet article, plusieurs membres de la communauté anglophone dénonçaient des relations difficiles avec le gouvernement Legault.

Également publié dans la section Libre opinion, le texte intitulé « Une mauvaise qualité de l’air dans nos écoles nuit à l’apprentissage », publié le 20 août 2013, est l’une de ses pièces d’opinion préférées. M. Eustace dénonce ici la mauvaise qualité de l’air présente dans plusieurs écoles au Québec et conclut qu’« il est du devoir du gouvernement du Québec que nos écoles aient de bons bilans en matière de santé, afin que nos enfants puissent apprendre dans un environnement sain ».

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