Donald Trump, président de la peine de mort

La trêve n’aura pas duré plus de quatre ans.
La semaine dernière, la nouvelle secrétaire à la Justice des États-Unis, Pam Bondi, une trumpiste de la première heure, a approuvé le déplacement vers l’Oklahoma du prisonnier George Hanson, condamné à la peine capitale pour un crime commis en 1999.
L’homme de 60 ans purge actuellement une autre peine de prison en Louisiane. Une demande de transfert déposée en 2022 par l’Oklahoma pour mettre en application sa peine en mort avait été rejetée par le département américain de la Justice du gouvernement de Joe Biden. Le changement de garde à Washington vient de mettre fin à son sursis.
Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche est en train de brouiller bien des cartes et d’instaurer des changements radicaux sur la scène tant nationale qu’internationale. Mais en matière de peine de mort, sa nouvelle présidence se prépare surtout à renouer avec la posture qu’il avait adoptée lors de son premier mandat, en faisant de la peine capitale une composante forte de son régime autoritaire centrée sur la loi, l’ordre, la peur et la vengeance. Et ce, même si cette forme radicale et violente de justice a surtout démontré au fil des décennies sa totale inefficacité.
« Après plus de trois décennies de recherche, il n’existe aucune preuve fiable que la menace de la peine de mort dissuade les homicides ou qu’elle protège la police, résume l’organisme Equal Justice Initiative, qui se bat depuis des années contre les excès et les discriminations de la justice aux États-Unis. Des études ont montré que les taux de meurtres, y compris les meurtres de policiers, sont systématiquement plus élevés dans les États qui ont la peine de mort, tandis que les États qui l’ont abolie ont les taux les plus bas de policiers tués dans l’exercice de leurs fonctions. »
N’empêche, en franchissant à nouveau la porte du Bureau ovale en janvier dernier, Donald Trump a remis la peine de mort sur le devant de la scène en ordonnant par décret une extension de son recours par le gouvernement fédéral. La mesure reprend les idées contenues dans le Projet 2025, manuel de politiques ultraconservatrices apparu durant la campagne électorale du populiste, et qui prône un élargissement de la peine capitale à « des crimes particulièrement odieux impliquant la violence et les agressions sexuelles contre les enfants ».
Dans les mois qui ont précédé son élection, Donald Trump a passé son temps à se distancier de ce document de 900 pages donnant les lignes directrices aux conservateurs pour prendre le contrôle de l’ensemble de l’appareil gouvernemental et de la vie politique et sociale des Américains. C’était finalement un leurre, puisqu’il laisse désormais ce vaste texte, aux accents d’extrême droite, teinter les premières mesures de son nouveau gouvernement, des purges dans l’administration à l’appel au démantèlement d’agences et de départements, en passant par la peine de mort.
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Il y a quelques jours, la nouvelle procureure générale des États-Unis, Pam Bondi, a d’ailleurs suivi le Projet 2025 à la lettre en diffusant une note de service appelant à « relancer la peine de mort et à lever le moratoire sur les exécutions fédérales ». Elle y attaque de front « les dirigeants politiques du département », qui, selon elle, « ont supplanté la volonté du peuple par leurs croyances » sur la peine de mort. La flèche vise Joe Biden et son secrétaire à la Justice, Merrick Garland qui, en juillet 2021, a décrété un moratoire sur ces exécutions, ce qui avait mis fin à une vague de mises à mort amorcée à la fin du premier mandat de Donald Trump.
Durant les six derniers mois de la présidence du républicain, 13 prisonniers ont été exécutés, soit le plus grand nombre depuis les années 1980. Donald Trump s’est illustré lors de son premier passage à la Maison-Blanche comme le président ayant accompagné le plus grand nombre d’exécutions de peine capitale depuis le XIXe siècle.
Défaire et sanctionner
Avant de partir, Joe Biden a cherché à conjurer le sort pour 37 des 40 personnes encore dans le couloir de la mort, en commuant leur peine en emprisonnement à vie, une décision qualifiée de « honteuse » par Pam Bondi. La secrétaire à la Justice s’est vantée, durant ses années comme procureure générale de la Floride, d’avoir envoyé deux personnes dans le couloir de la mort et d’avoir assisté à six exécutions.
Le président américain a demandé par ailleurs à sa secrétaire de prendre « toutes les mesures légales et appropriées » pour s’assurer que ces criminels n’ont pas la vie facile en prison. Il souhaite qu’ils soient « emprisonnés dans des conditions compatibles avec la monstruosité de leurs crimes et les menaces qu’ils représentent ».
Dans les pages du média The Intercept, Miriam Gohara, professeure de droit à l’Université de Yale et ex-procureure fédérale, n’y voit rien de moins qu’une autre dérive inconstitutionnelle du nouveau régime de Donald Trump, la note appelant à utiliser des conditions de détention comme une punition supplémentaire, ce qu’interdit le huitième amendement de la Constitution sur les « peines cruelles ».
L’engouement du populiste pour la peine de mort n’est toutefois pas une surprise, lui, qui en fait une des pierres angulaires de la première version de son projet politique « Make America Great Again » (MAGA), entre 2016 et 2020. Il tablait sur un appui important des Américains en faveur de ces peines. Or, 53 % sont pour, selon les derniers coups de sonde menée en octobre dernier par Gallup. Il s’agit du niveau le plus bas depuis 50 ans.
Paradoxalement, l’éradication de la peine de mort serait cohérente avec le projet de Donald Trump et de son proche allié, Elon Musk, de réduire les dépenses du gouvernement. Elle est, en effet, plus coûteuse pour les contribuables américains, comparativement à la réclusion à perpétuité, selon plusieurs études des coûts recensées depuis 22 ans par le Centre d’information et menées dans plusieurs États où elle est toujours en vigueur.
Mais son avantage est ailleurs. Elle « détourne l’attention des politiques efficaces de sécurité publique et fausse les élections des juges et des procureurs en privilégiant la rhétorique et les candidats “durs envers la criminalité” », résume l’Equal Justice Initiative. Il rappelle depuis des années qu’une utilisation plus efficace des fonds publics pour réduire la criminalité devrait plutôt passer par la lutte contre la toxicomanie et la mise en place d’une économie qui lutte contre les inégalités.
Deux mesures, parmi d’autres, qui malheureusement pour les Américains, ne réduisent généralement pas le chaos auquel Donald Trump et son nouveau gouvernement s’abreuvent, mais l’alimentent plus souvent.