Les Américains ont eu une «prise de conscience» sur les tarifs, selon Ottawa

Les décideurs et dirigeants d’entreprises américains prennent de plus en plus conscience des contrecoups qu’auraient les tarifs douaniers aux États-Unis, selon deux ministres canadiens revenant d’une « visite stratégique » à Washington.
« Pendant longtemps, c’était un peu asymétrique du côté canadien. Nous savions que [les tarifs] auraient un impact négatif, mais maintenant, ce sont les Américains qui ont réalisé, ces derniers jours, que [les impacts] ne concernent pas que le Canada. Le ton a changé », a témoigné le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, dans une conférence téléphonique avec les médias, jeudi après-midi.
« Je crois qu’il y a une prise de conscience de plus en plus importante, certainement au Canada, mais aussi aux États-Unis, que les tarifs douaniers sont une mauvaise idée pour nos deux économies », a acquiescé son collègue à la Défense nationale, Bill Blair.
Les deux ministres s’apprêtaient tout juste à embarquer dans un avion pour revenir à Ottawa, après deux jours de rencontres diplomatiques dans la capitale américaine. Ils s’y étaient rendus au lendemain de l’annonce du président Trump de repousser de 30 jours l’entrée en vigueur des tarifs douaniers au Canada.
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En faisant le bilan de sa visite, le ministre Champagne a souligné que les dirigeants d’entreprises prennent désormais conscience des enjeux économiques d’une guerre tarifaire, alors qu’ils « ne voyaient pas vraiment l’impact » des tarifs avant qu’Ottawa n’annonce sa riposte.
Bien que le président américain, Donald Trump, ait repoussé l’échéance pour imposer ses tarifs au Canada, son plan tarifaire a « créé un électrochoc » chez les industries des deux côtés de la frontière, estime-t-il.
Le ministre Champagne aurait aussi fait savoir à ses homologues que le Canada pourrait très bien se tourner vers d’autres pays pour diversifier ses marchés. « On a été clairs qu’on veut construire un partenariat, mais les règles du jeu ont changé et on devra être plus résilients », a-t-il expliqué, ajoutant que le Canada « dispose de plusieurs options » pour diversifier ses importations et ses exportations.
Le Canada est le plus grand marché d’exportation pour 36 États et figure parmi les trois premiers pour 46 États, dont 43 exportent chaque année plus d’un milliard de dollars au Canada.
Nuire à la défense
Alors que le président Trump se plaint des investissements militaires insuffisants du Canada, l’imposition de tarifs douaniers nuirait carrément à la capacité d’Ottawa d’augmenter ses dépenses pour la défense, a aussi argué le ministre Blair.
« Les tarifs douaniers limiteront et réduiront en réalité notre capacité à investir dans notre défense collective […] Cela éliminerait des emplois et aurait un impact très négatif sur notre économie, ce qui limiterait notre capacité à remplir nos obligations », a-t-il expliqué.
Le mois dernier, le président Donald Trump a monté la mise en affirmant que les dépenses militaires des alliés devaient passer de 2 % à 5 % de leur PIB.
Cette nouvelle cible est toutefois hors d’atteinte pour plusieurs pays de l’Alliance, a souligné le ministre Blair.
« Tout d’abord, les États-Unis ne sont pas à 5 %, ils sont plus proches de 3 %, et les États-Unis ont une perspective et un rôle différents avec leur armée à travers le monde. Les États-Unis projettent leur autorité et leur puissance militaire à travers le monde, ce que le Canada ne fait pas », a-t-il fait valoir.
Ottawa tente présentement de trouver des moyens d’augmenter ses investissements militaires pour atteindre la cible de dépenses de 2 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) plus rapidement.
L’été dernier, le premier ministre Justin Trudeau s’est engagé à atteindre la cible de l’OTAN d’ici 2032.
Le ministre Blair n’a pas pris de nouvel engagement sur ce calendrier, expliquant que le gouvernement « doit encore prendre des décisions » sur le moment où il pourra intégrer [de nouvelles dépenses] au cadre budgétaire.
Les deux principaux candidats à la succession de Justin Trudeau, Chrystia Freeland et Mark Carney, ont tous les deux promis d’atteindre la cible plus rapidement que le calendrier actuel du gouvernement.