De l’aide aux devoirs dans les HLM pour contrer les inégalités

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Renaud aide David, 10 ans, à faire ses devoirs dans une habitation à loyer modique (HLM) du Plateau-Mont-Royal.

Emmanuel, 8 ans, aime l’école, particulièrement les maths. Son grand frère David, 10 ans, n’aime ni l’un ni l’autre. Mais tous les deux apprécient les mardis, journée où ils peuvent bénéficier de l’aide aux devoirs après l’école dans leur habitation à loyer modique (HLM) du Plateau-Mont-Royal.

« J’ai la flemme de faire mes devoirs tout seul à la maison, ici, ça m’aide », explique David, entre deux bouchées de biscottes trempées dans le fromage à la crème et de quartiers d’orange.

Emmanuel et David font partie de la dizaine de jeunes d’âge primaire qui bénéficient d’un service d’aide aux devoirs offert directement dans leur HLM de la rue Saint-André. Jusqu’à tout récemment encore, leur grande sœur les accompagnait, comme la plupart des jeunes qui habitent dans ce parc de logements à loyer modique.

Dans un local aux murs ternis, situé au demi-sous-sol de l’immeuble résidentiel, Renaud et Mégane accueillent les jeunes avec un grand sourire derrière le comptoir de collations santé. Avant de se lancer dans les choses sérieuses, les moniteurs prennent le temps de discuter avec les enfants, afin que ceux-ci puissent se poser et évacuer le trop-plein de la journée. C’est l’un des moments préférés de David, qui adore raconter ses « dingueries » — des anecdotes un peu farfelues survenues dans la cour d’école — qui font rire toute l’équipe. Puis, tranquillement, le calme fait place au brouhaha ambiant alors que les enfants sortent leurs livres et se mettent au travail.

Des services qui viennent à eux

Ce modèle n’est pas unique. Dans différents quartiers de Montréal, des HLM offrent ces services d’accompagnement des jeunes grâce au financement de l’organisme La Clé, anciennement connu sous le nom de Fondation de l’Office municipal d’habitation de Montréal, dont la mission est de contribuer à la persévérance scolaire et au plein développement du potentiel des jeunes résidant dans des HLM.

« L’office municipal a constaté, en 2011, qu’il y avait des besoins pour les jeunes, qu’il fallait s’en occuper et qu’il y avait peu de ressources », explique Patsy Joncas, directrice générale de La Clé. Elle parle d’une « communauté assez fermée » et de gens qui n’ont pas toujours la capacité de sortir pour aller chercher de l’aide.

Un constat partagé par Carl Surprenant, le directeur du Centre Le Beau Voyage, qui offre l’aide aux devoirs dans le HLM de la rue Saint-André. « On fait avec la réalité, si on est trop à l’extérieur, les familles ne reçoivent pas de service, explique-t-il. Avant, l’aide aux devoirs était offerte à l’école juste à côté, et ça fonctionnait moins, donc on a amené les services ici il y a quelques années. »

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Renaud et Mégane accompagnent également Mahveen.

L’aide aux devoirs, qui commence ici dès la maternelle, est une façon d’encourager la persévérance scolaire en donnant aux jeunes des outils et de bonnes habitudes dans la gestion des travaux scolaires. Et ce, dans l’espoir de réduire les inégalités. « Les enfants qui vivent ici ont déjà plusieurs prises au bâton contre eux lorsqu’ils arrivent au marbre et c’est ça qu’on essaie de contrer », illustre Mme Joncas.

Plusieurs enfants qui habitent dans ce HLM « cumulent les facteurs de vulnérabilité », précise M. Surprenant. Près de la moitié des familles y habitant ont un revenu annuel de moins de 20 000 $. Plusieurs parents doivent s’occuper seuls de leurs nombreux enfants et ont des horaires de travail atypiques. D’autres ne parlent pas suffisamment bien le français pour être en mesure d’accompagner leurs enfants dans leurs devoirs. Sans oublier qu’il est difficile pour un enfant de trouver un endroit tranquille pour faire ses devoirs lorsqu’on est plusieurs à vivre entassés dans un logement.

Un « travail sans relâche »

Le service d’aide aux devoirs, dans un tel contexte, c’est bien plus qu’une affaire de notes, explique-t-il. « C’est vraiment un gros répit pour les parents, c’est toujours ça qui est nommé. Ça les libère d’un stress incroyable. La plupart baragouinent le français, alors ils ne peuvent pas aider leurs enfants pour les devoirs. »

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir L’aide aux devoirs, qui commence ici dès la maternelle, est une façon d’encourager la persévérance scolaire en donnant aux jeunes des outils et de bonnes habitudes dans la gestion des travaux scolaires.

Carl Surprenant et Patsy Joncas parlent aussi de la « parentalisation » des jeunes filles, qui sont souvent amenées à prendre en charge les tâches domestiques du quotidien dans les familles nombreuses et vulnérables. L’aide aux devoirs devient alors pour elles un lieu où elles viennent « se reposer » et prendre un moment pour elles, en faisant leurs devoirs, expliquent-ils. Mais pour l’ensemble des jeunes, c’est généralement la relation de confiance qui s’est établie avec les moniteurs qui arrive en haut de l’échelle.

Si l’équipe de M. Surprenant peut se targuer d’apporter un soutien aux jeunes et à leurs familles, c’est un « travail sans relâche » pour attirer — et surtout garder — les enfants dans les services, précise-t-il. « Avec les familles vulnérables, le plus difficile, c’est que les parents ne sont pas toujours derrière l’enfant pour le pousser, donc c’est très difficile de les conserver dans le service. » Il est déjà arrivé qu’aucun enfant ne vienne, se désole M. Surprenant. « Il ne faut pas jeter l’éponge parce que les enfants ne se présentent pas ; il faut plutôt redoubler d’efforts pour les amener dans les services et être le plus possible collé à leurs besoins et à leur réalité. »

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