L’Afrique du Sud dénonce «une campagne de désinformation» lancée par Trump et Musk

Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, à gauche, arrive pour l’investiture du président élu du Mozambique, Daniel Chapo, à Maputo, au Mozambique, le 15 janvier 2025.
Photo: Carlos Uqueio Associated Press Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, à gauche, arrive pour l’investiture du président élu du Mozambique, Daniel Chapo, à Maputo, au Mozambique, le 15 janvier 2025.

L’Afrique du Sud a dénoncé samedi la « campagne de désinformation et de propagande » qui a selon elle motivé la fin de l’aide américaine en sa faveur, en représailles d’une loi sur l’expropriation que Washington juge discriminatoire envers la minorité blanche.

Le ministère des Affaires étrangères se dit « très préoccupé » par « le postulat de base de ce décret » qui « manque d’exactitude factuelle et ne reconnaît pas l’histoire profonde et douloureuse de l’Afrique du Sud en matière de colonialisme et d’apartheid ».

La présidence sud-africaine a réfuté ces derniers jours toute intention de « confisquer des terres ».

La grande majorité des terres restent détenues en Afrique du Sud par des familles blanches, héritage d’une politique d’expropriation de la population noire pendant l’apartheid — qui a pris fin il y a une trentaine d’années — et avant, pendant la colonisation.

« Nous sommes préoccupés par ce qui semble être une campagne de désinformation et de propagande visant à déformer notre grande nation », affirme le ministère dans son communiqué. « Il est décevant de constater que de tels récits semblent avoir la faveur des décideurs des États-Unis d’Amérique », ajoute-t-il.

Pretoria juge particulièrement « ironique » que le décret américain prévoie « l’octroi du statut de réfugié » à « un groupe de Sud-Africains qui compte parmi les plus privilégiés sur le plan économique » alors que dans le même temps « des personnes vulnérables originaires d’autres régions du monde sont expulsées aux États-Unis et se voient refuser l’asile en dépit de réelles difficultés ».

Le décret américain promet spécifiquement de porter assistance à « la minorité ethnique afrikaner », descendante des premiers colons européens, y compris en leur offrant le statut de réfugiés.

Et le porte-parole de la diplomatie américaine, Tammy Bruce, a réitéré samedi que son pays était prêt à accueillir les fermiers blancs « persécutés et d’autres victimes innocentes prises pour cible uniquement en raison de leur race ».

« Afrikaners ou Amerikaners ? »

La loi sud-africaine permettra « de saisir les propriétés agricoles de la minorité ethnique des Afrikaners sans compensation », avait dénoncé Donald Trump vendredi dans ce décret ordonnant le gel de tout financement tant que le gouvernement sud-africain continue « ses pratiques injustes et immorales ».

Jeudi, le président sud-africain Cyril Ramaphosa avait affirmé que son pays ne se laisserait pas « intimider » par les mesures américaines.

La loi promulguée en janvier clarifie le cadre juridique des expropriations, sans nouveauté sur le fond de l’avis de la plupart des juristes. Mais elle cristallise les peurs d’une petite partie de la minorité blanche.

Le texte permet au gouvernement sud-africain, par mesure d’intérêt général, de décider d’expropriations sans compensation dans certaines circonstances exceptionnelles où cela serait « juste et équitable », sans autre précision.

Depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux, de nombreux Sud-Africains de toutes les couleurs de peau se sont indignés ou moqués des positions américaines.

« Faut-il désormais les appeler des Amerikaners ? », ironisait samedi un internaute noir. « Doit-on s’attendre à ce que des domaines viticoles ou réserves » privées pour safaris « soient évacués ? », plaisantait une autre, la plupart appartenant à des familles blanches.

Samedi, la petite organisation Afriforum, qui veut « protéger et promouvoir l’identité Afrikaner », a remercié les États-Unis pour leur position, tout en estimant que la place des Sud-Africains blancs était dans leur pays.

Afriforum a exprimé dans un communiqué sa « grande satisfaction à l’égard de Trump et de la reconnaissance par les États-Unis de l’injustice à laquelle les Afrikaners sont soumis ». Mais elle dit rester « attachée à l’avenir des Afrikaners », qui ne représentent qu’une partie des moins 7,3 % de Sud-Africains blancs recensés en 2022, « à la pointe sud de l’Afrique ».

Les échanges entre Pretoria et Washington ont pris une tournure acerbe cette semaine. Et la présence dans l’équipe Trump du milliardaire Elon Musk, qui a grandi en Afrique du Sud sous l’apartheid et qualifie d’« ouvertement raciste » la loi sur les expropriations, augure de turbulences pour le premier partenaire commercial des États-Unis en Afrique, ont souligné nombre d’experts.

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