En Afrique de l’Ouest, l’égalité est dans le pré
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Coopération internationale
Promouvoir la place des femmes et les pratiques durables en agriculture, c’est ce que propose le programme ÉGALE-AO, de l’organisation Inter Pares. C’est dans le cadre de cette initiative qu’une délégation d’experts et de militants de cinq pays d’Afrique de l’Ouest a effectué, l’automne dernier, une tournée au Canada et au Québec afin de partager expériences et bonnes pratiques avec leurs homologues d’ici.
C’est en septembre dernier que « L’égalité dans les prés » a permis aux participants — élus, agricultrices et militantes — d’échanger sur les questions d’égalité des genres et de sécurité alimentaire, explique Fernande Abanda, gestionnaire de programme chez Inter Pares. Cette tournée s’inscrit dans le cadre du projet Égalité de genre par l’agroécologie menée par les femmes en Afrique de l’Ouest (ÉGALE-AO), visant à accompagner les fermières en Afrique de l’Ouest, notamment au Togo, en Guinée-Bissau, au Burkina Faso et au Sénégal. Lancée en 2022, l’initiative s’étale sur cinq ans et a été financée par Affaires mondiales Canada.
La démarche privilégie l’agroécologie, qui promeut une agriculture s’appuyant sur des processus naturels pour améliorer la production tout en limitant les conséquences sur l’environnement et la biodiversité, explique Mme Abanda. Cette démarche favorise notamment la rotation des cultures, la protection des sols et le recours à des connaissances et à des pratiques locales pour préparer de l’engrais et des pesticides verts en réduisant l’utilisation d’intrants chimiques.
Des sociétés patriarcales
En Afrique de l’Ouest, ce sont les femmes qui pourvoient aux besoins de la famille en travaillant dans les champs et en nourrissant leurs proches, souligne Mme Abanda. « Dans cette division sexuelle des tâches, les fermières se retrouvent avec moins de possibilités de participer aux prises de décisions parce que le patriarcat est ce qui structure l’organisation sociale », rappelle-t-elle. Elles restent ainsi peu impliquées dans la gestion des terres et les politiques agricoles.
Ces régions connaissent également des défis en matière de sécurité alimentaire, car elles dépendent de cultures étrangères. « Par exemple, le riz vient d’ailleurs. Et pourtant, c’est une céréale qui pousse dans beaucoup de pays d’Afrique de l’Ouest », illustre la gestionnaire.
Même chose pour le blé, qui prend la place des céréales traditionnelles, moins utilisées et moins consommées par la population, dit-elle. « Ces produits ne sont pas reconnus à leur juste valeur, alors que, souvent, ils sont nourrissants et permettent de soutenir l’économie locale », ajoute-t-elle.
Avec ÉGALE-AO, Inter Pares souhaite épauler 25 000 bénéficiaires directs et 900 000 bénéficiaires indirects, tels que des membres de la famille ou les communautés des fermières participantes au projet. Par exemple, au Sénégal, l’initiative encourage la culture du riz traditionnel. En Guinée-Bissau, des femmes apprennent des techniques de valorisation des espèces endogènes pour conserver davantage d’indépendance face aux exploitations industrielles. « La gestion des semences et leur accès sont capitaux dans les défis de sécurité alimentaire », souligne Mme Abanda.
Ainsi, au Togo, Inter Pares promeut les graines de fonio afin de stimuler la mise en marché de cette céréale ancestrale, spécialement en contexte de crise climatique. « Le fonio est reconnu pour être capable de survivre dans les espaces arides et de résister aux pics d’ensoleillement et à la sécheresse », soulève la gestionnaire de programmes.
Le projet a aussi pour but de renforcer les compétences des bénéficiaires en communication et de leur permettre de plaider leur cause auprès des décideurs. « On vise à influencer les politiques, les pratiques et l’idée qu’on se fait de la place des femmes en agroécologie », explique Mme Abanda. Ainsi, des hommes impliqués dans l’initiative prêtent main-forte aux participantes afin de convaincre les chefs locaux, traditionnels ou religieux, de devenir partenaires de cette lutte pour l’égalité de genre.
Une révolution silencieuse qui traverse les océans
ÉGALE-AO se veut une « révolution silencieuse » des pratiques, estime Fernande Abanda. « Au-delà des défis de reconnaissance de l’agroécologie, il y a un mouvement fort qui se construit dans ces communautés et qui est porté par ces fermières », souligne-t-elle.
Si le projet se poursuit jusqu’en 2027, Inter Pares constate déjà des changements en matière d’égalité de genre sur le terrain. « Des gens qui étaient alignés dans le patriarcat encouragent maintenant les femmes à participer à des activités et ont intégré des groupes de plaidoyers. C’est une réussite, que de voir des hommes s’engager dans cette voie », se réjouit la gestionnaire de programmes.
Une fraternité qui traverse l’océan pour sensibiliser la société à des luttes similaires au Québec. « Le défi de l’accès aux terres, on le retrouve aussi au Canada. Des fermières québécoises ont témoigné durant la tournée “L’égalité est dans les prés” de leur difficulté à se faire léguer la terre de leurs parents parce qu’elles étaient des femmes », raconte Mme Abanda. Inter Pares estime que ce voyage d’échanges aura permis de sensibiliser le public québécois aux approches féministes et agroécologiques, de discuter des défis actuels en la matière et de forger de nouveaux liens. « Il y a un mouvement de solidarité qui part du bas et qui fait ses preuves. Les organisations avec lesquelles on collabore depuis des décennies ont montré que c’était la solution », conclut Fernande Abanda.
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