L’administration Plante «n’en fait qu’à sa tête», clament ses critiques

Valérie Plante a changé le visage de Montréal à coups de décisions assumées, mais qui sont loin d’avoir fait l’unanimité. Après sept années à l’Hôtel de Ville, la détermination de la mairesse et de son équipe est mise à l’épreuve par des mouvements de citoyens. Ces derniers contestent les méthodes de l’administration Plante, jugées « antidémocratiques ».
Pistes cyclables, zones piétonnes, verdissement, entretien des infrastructures négligées depuis des années : l’administration Plante s’est maintenue en poste durant deux mandats malgré un programme polarisant, qui soulève les passions tant parmi ses partisans que parmi ses opposants. Mais la couche de téflon qui protège l’équipe de Projet Montréal montre des signes d’usure, selon ses opposants.
Coup sur coup, des décisions récentes des élus ont donné lieu à des critiques virulentes de la part de groupes et de citoyens en colère. Trois dossiers chauds ont retenu l’attention : le retrait de places de stationnement pour aménager des pistes cyclables, la piétonnisation permanente de deux secteurs de la rue Sainte-Catherine Ouest et l’espacement de la collecte des ordures dans l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve.
« Le ramassage des ordures aux deux semaines [plutôt que chaque semaine] n’a aucun sens. Avant, le quartier était sale ; maintenant, c’est monstrueux, aberrant. Il y a des déchets dans presque toutes les rues », s’indigne André-Philippe Doré, porte-parole de la Ligue 33, un groupe de citoyens du quartier.

Lundi soir, des membres de ce mouvement ont chahuté le maire de l’arrondissement, Pierre Lessard-Blais, en pleine séance du conseil. Le ton a monté ; la police est intervenue. Une citoyenne a été expulsée et détenue une quinzaine de minutes avant d’être relâchée.
Des résidents s’insurgent contre cet « affront à la démocratie » de la part d’un maire qui « n’en fait qu’à sa tête ». « Il fait ça contre la volonté de la population. On dit aux élus : “Ça ne vous tentait pas de nous demander ce qu’on en pense avant d’implanter la décision ? Ça ne vous tentait pas de faire une séance de consultation plutôt qu’une séance d’information ?” », dit André-Philippe Doré.
Des choix assumés
À la Ville, on dit comprendre la frustration des résidents qui voient des déchets traîner dans leur rue. Mais on mise sur une période de transition pour que les citoyens s’adaptent à la collecte toutes les deux semaines — et qu’ils sortent leurs ordures au bon moment. Ce changement de calendrier est implanté graduellement, d’abord par un projet pilote, avant d’être élargi à d’autres secteurs, souligne le conseiller Alex Norris, membre du comité exécutif de la Ville.
La collecte une semaine sur deux « ne sort pas de nulle part », affirme l’élu. Les trois quarts des 82 municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal l’ont mise en place, tout comme une série de grandes villes canadiennes. Il rappelle que l’espacement de la collecte diminue le volume de déchets envoyés au dépotoir en incitant les citoyens à composter et à recycler.
L’administration Plante est bien consciente que certaines de ses décisions provoquent de la grogne, mais assume ses choix. Une série de mécanismes de consultation sont en place pour sonder la population en vue de l’élaboration du budget et des grandes orientations politiques, rappelle Alex Norris.
« Mais les consultations ne sont pas des référendums. On ne peut pas faire de référendum sur tout. Nous avons aussi l’obligation de respecter le programme pour lequel les gens nous ont élus. Parfois, il faut implanter des projets qui ne font pas l’unanimité. Il faut sortir de l’immobilisme », souligne-t-il.
Une confiance disparue
La vision assumée de Projet Montréal provoque aussi des grincements de dents au centre-ville. L’aménagement de deux places piétonnes permanentes, qui couperont la circulation automobile sur la rue Sainte-Catherine Ouest, a fait bondir les commerçants. Mais les résidents du quartier, eux, sont enchantés par la vision proposée par l’administration Plante.

Ce projet majeur a été conçu sans alliance avec la communauté d’affaires, a déploré le directeur général de Montréal centre-ville, Glenn Castanheira. Le dirigeant de la société de développement commercial du coeur de la métropole évoque un « important bris de confiance » entre l’administration Plante et les 5000 commerçants du centre-ville. Une telle critique impitoyable provenant de celui qui a été conseiller spécial de Projet Montréal, le parti de Valérie Plante, a étonné les observateurs de la scène politique.
M. Castanheira a décliné notre demande d’entrevue, mais des gens d’affaires du centre-ville assurent qu’il reflétait fidèlement leur point de vue.
Les commerçants ont l’impression que l’administration Plante leur tourne le dos. La perception qui règne dans le milieu des affaires, c’est que Projet Montréal gouverne en fonction de sa base de militants, « qui réclament des gestes radicaux ».
Nos sources confirment que la communauté d’affaires recherche un candidat en vue du scrutin de novembre 2025 — comme lors de chaque course à la mairie de Montréal. Aucun nom ne s’est imposé à ce jour.
Vélos et stationnements
Le retrait de places de stationnement pour aménager des pistes cyclables continue aussi de diviser la population. « Ils se foutent de la gueule des citoyens en agissant contre la volonté de la population locale », lance Marc Perez, porte-parole de la Coalition Démocratie Montréal.
Ce mouvement citoyen a dénoncé l’aménagement de voies cyclables sur la rue de Terrebonne, dans l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, sur l’avenue Querbes, dans le quartier Parc-Extension, ainsi que d’autres voies pour vélos dans le quartier Saint-Michel.
« Si on fait un référendum et que la majorité gagne, le projet devient beaucoup plus acceptable qu’en disant : “On a gagné l’élection et vous connaissez notre programme” », dit Marc Perez. Les gens qui perdent des espaces de stationnement devant chez eux trouvent inacceptables ces aménagements cyclables décidés sans consultation, souligne le père de trois enfants.
Encore une fois, Valérie Plante et son équipe font valoir qu’il est impensable de mener des référendums sur chaque projet de piste cyclable. « Le nombre de voitures croît deux fois plus vite que la population depuis des décennies. C’est pour ça qu’il y a de la congestion routière à Montréal. On ne peut pas aménager la ville comme si on était dans les années 1950 », affirme le conseiller Alex Norris.
Il nomme une série de grandes villes, dont Londres, Paris et bien d’autres, qui ferment des rues à la circulation automobile et tapissent l’espace public de pistes cyclables. À un peu moins d’un an du rendez-vous aux urnes, deux visions claires de Montréal s’affrontent : un rééquilibrage de la chaussée entre les voitures et les autres modes de déplacement, et le maintien de la « culture du char ».