Accusée d’abuser de ses artistes, la troupe de Shen Yun reste invitée à la Place des Arts

Shen Yun Performing Arts, une compagnie d’arts de la scène liée au mouvement spirituel Falun Gong, est poursuivie devant un tribunal de l’État de New York par l’une de ses anciennes interprètes, qui l’accuse d’être une « entreprise de travaux forcés » se livrant au « trafic d’enfants vulnérables », rapportait le New York Times le 25 novembre dernier. Malgré ces accusations, le spectacle Shen Yun. La Chine avant le communisme demeure toujours à l’affiche de la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, où on affirme « suivre l’évolution de ce dossier avec attention. »
En août dernier, une enquête du grand journal new-yorkais s’appuyant sur les témoignages de plus d’une vingtaine d’anciens danseurs, « la plupart des enfants ou de jeunes adultes », avait levé le voile sur les pratiques « abusives » de la compagnie. Les interprètes étaient « systématiquement découragés de recourir à des soins médicaux lorsque leur corps était meurtri, [alors qu’on] leur imposait d’exténuantes séances de répétitions et horaires de tournées au moyen d’abus émotionnels et de manipulation » psychologique, pouvait-on lire dans le reportage.
Une poursuite a été déposée le 25 novembre dernier devant la Cour fédérale, dans le district de White Plains, État de New York, non loin du domaine Dragon Spring, siège du mouvement Falun Gong aux États-Unis, où s’entraînent les troupes du spectacle Shen Yun.
Dans sa poursuite, l’ex-danseuse Chang Chun-Ko, qui avait 13 ans lorsqu’elle fut recrutée par la production en 2009, allègue avoir été soumise à « un système de coercition et de contrôle qui s’étend à presque tous les aspects de la vie des danseurs », système appliqué notamment « en confisquant leurs passeports, en les coupant des médias extérieurs, en les dénonçant comme des espions du gouvernement chinois s’ils remettent en question les pratiques du groupe et en soumettant ceux qui enfreignent les règles à des séances publiques de critique ».
Un dossier suivi « avec attention »
La vice-présidente du marketing, des ventes et des communications de la Place des Arts, Mylaine Albert, confirme que son organisation est au courant des allégations visant Shen Yun Performing Arts. « On trouve ça très préoccupant, et on suit ça avec attention. Nous avons pris contact avec le producteur du spectacle pour lui faire part de nos préoccupations et lui demander des explications. Nous avons également réitéré au producteur qu’il y a une clause au contrat qu’il a signé avec nous et qu’il se doit de respecter. »
Le « cahier de charges » que remet la direction de la Place des Arts aux producteurs stipule que celui-ci « est responsable de prendre les mesures nécessaires afin de s’assurer que l’organisation du travail, les méthodes et les techniques utilisées pour l’accomplir sont sécuritaires et ne portent pas atteinte à la santé et à la sécurité des travailleurs. […] Conséquemment, le producteur est responsable de l’application de la Loi sur la santé et sécurité au travail et de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. »
La Place des Arts dit toujours attendre des réponses de la part de Shen Yun Performing Arts, mais « pour le moment, on laisse le dossier suivre son cours ». « On ne peut pas prendre la décision d’annuler le spectacle » avant que la justice n’ait tranché, dit Mme Albert.
La vice-présidente n’était pas en mesure de dire si la mise en accusation du producteur pouvait mener ou non à l’annulation des sept représentations programmées à la salle Wilfrid-Pelletier en avril 2025. « Nous travaillons avec des avocats avec qui nous nous assoirons pour discuter de tout ça. Nous sommes préoccupés, mais pour le moment, aucune décision n’a été prise. »
Sept autres villes canadiennes doivent accueillir la troupe de Shen Yun, dont Ottawa, au Centre national des arts, qui n’avait pas répondu aux questions du Devoir avant la publication de ce texte.
Sur son site Web, à la mi-novembre, Shen Yun Performing Arts a répondu à l’enquête du New York Times en accusant le journal d’avoir « grossièrement déformé » les pratiques et la culture de l’organisation. La compagnie d’arts de la scène a notamment affirmé qu’« en moyenne » 85 % de ses interprètes sont des adultes, que les horaires de travail longs et ardus sont « rares » et que le Times reprend les témoignages d’individus ayant « des liens connus avec le régime chinois ».
Fondé au début des années 1990, le Falun Gong (aussi connu sous le nom de Falun Dafa) est un mouvement spirituel au sein duquel sont notamment pratiqués la méditation et l’exercice physique. Qualifié par plusieurs observateurs universitaires de « nouveau mouvement religieux », il fait l’objet de répression en Chine. L’organisation est liée au journal conservateur The Epoch Times, publié en plusieurs langues, dont le français, et distribué à Montréal.