L’accès à la propriété, toujours compliqué
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Mes finances, ma retraite
Avec la baisse des taux d’intérêt sur les prêts hypothécaires et la hausse des salaires, les aspirants acheteurs ont moins de difficulté à réaliser l’acquisition d’une propriété. Mais des tensions perdurent quant à l’accessibilité financière, estime un récent rapport de RBC Economics publié en décembre dernier.
En plus de la hausse des salaires médians au Canada, la Banque du Canada a entamé des réductions progressives de son taux directeur depuis le mois de juin 2024. Le 29 janvier dernier, elle a procédé à une sixième baisse d’affilée pour le fixer à 3 %. « Tranquillement, on voit l’accessibilité s’améliorer légèrement », constate Pascal Berger, premier conseiller en prêts hypothécaires à la Banque Royale du Canada (RBC).
Selon l’expert, de telles réductions de taux d’intérêt viennent diminuer les versements de façon « substantielle ». « Le gros morceau d’un ratio d’endettement provient de ces paiements », dit-il. Par exemple, un taux variable de 4,95 % sur un prêt de 300 000 $ amorti sur 25 ans équivaudrait à un paiement mensuel de 1745,05 $. Une simple baisse de 0,25 %, pour un taux de 4,70 %, ferait passer ce montant à 1701,74 $, calcule M. Berger.
Ces changements dans la politique monétaire canadienne permettent ainsi au marché de reprendre de la vigueur. « Quand les propriétaires ont confiance, ils se remettent à vendre les maisons. Ils projettent de déménager dans une habitation plus grande, plus petite ou dans une résidence pour personnes âgées autonomes », soutient M. Berger. Ce dynamisme crée une amélioration de l’offre et un meilleur équilibre sur le marché, croit-il.
L’accès à la propriété n’a pas connu tant de progrès, estime de son côté Jean-Philippe Meloche, professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage à l’Université de Montréal. « On observe des taux qui ont baissé un peu et des prix de maisons qui n’ont pas autant augmenté. Oui, c’est mieux qu’en 2022. Mais cette année-là reste la pire qu’on n’avait jamais vue », souligne-t-il.
Une tension persistante
Pour M. Meloche, le marché restera serré en 2025 et en 2026, bien que des mesures récentes limitent sa saturation. « Avec des politiques agressives en matière d’immigration temporaire, ça va peut-être faire en sorte que la population va continuer à croître, mais plus lentement », avance-t-il, ce qui pourrait ainsi augmenter le nombre de logements vacants.
La popularité grandissante des résidences comme les habitations modulaires, les minimaisons ou les maisons mobiles, combinée à des assouplissements réglementaires, pourrait également permettre une meilleure accessibilité à la propriété, croit le professeur. « Mais ce sont des choses qui prennent du temps à mettre en place », dit-il.
Les premiers acheteurs ne sont donc pas au bout de leurs peines. « Ça se dégrade et ça continue de se dégrader, surtout à Montréal », indique M. Meloche, pointant la hausse des prix des propriétés plus rapide que celle des salaires. « C’est sûr que si on projette les tendances actuelles dans l’avenir, ça ne va pas s’améliorer », affirme le professeur.
Au Québec, le revenu annuel moyen d’un ménage avant impôt en 2021 était de 72 500 $, contre 92 000 $ pour le revenu médian, d’après une adaptation de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) des données du plus récent recensement effectué par Statistique Canada. En mai de la même année, le prix des maisons unifamiliales connaissait un bond de 34 % en un an dans la région de Montréal, pour se chiffrer à 496 000 $, selon l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec. En décembre 2024, leur prix de vente médian dans la région métropolitaine atteignait 580 000 $.
L’accessibilité à une propriété est particulièrement compliquée pour les premiers acheteurs, car ceux qui possèdent déjà une résidence ont vu la valeur de leur bien augmenter avec les années. Ils ont ainsi davantage de marge de manœuvre financière pour déménager, explique de son côté M. Berger.
Des mesures facilitatrices
Certaines mesures instaurées par le gouvernement fédéral aident toutefois les premiers acheteurs à concrétiser leur projet. En plus d’introduire le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP) en 2023, Ottawa a fait grimper, en avril 2024, de 35 000 $ à 60 000 $ la somme maximale d’un retrait permis d’un régime enregistré d’épargne retraite (REER) dans le cadre du régime d’accession à la propriété (RAP). Il a également annoncé que les prêts assurés par la SCHL, constitués lorsque la mise de fonds est de moins de 20 %, pourraient désormais être amortis sur 30 ans au lieu de 25 ans. Mais cet assouplissement se limite aux premiers acheteurs d’une construction neuve.
« Passer de 25 à 30 ans d’amortissement, ça réduit les versements de 8 % en moyenne », calcule M. Berger. Il cite à nouveau l’exemple d’une hypothèque de 300 000 $ consentie au taux variable de 4,95 %. Étalés sur 25 ans, les paiements se chiffrent à 1745,05 $ par mois, tandis que sur 30 ans, ce montant baisse à 1601,31 $.
« Ce n’est pas à négliger et ça vient surtout aider les premiers acheteurs », souligne le conseiller. Si chaque dossier de qualification est unique, une mise de fonds minimale de 5 % est requise pour toute transaction de 500 000 $ et moins, rappelle-t-il.
Quant à l’avenir de l’accessibilité, Pascal Berger reste optimiste. « Les signes sont encourageants, avance-t-il. On voit un marché qui va devenir plus équilibré dans les prochains mois. »
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