Les 230 constats d’infractions remis à un itinérant, pas du «profilage social», juge le Tribunal

Les 230 constats d’infraction remis à un homme vivant dans sa voiture n’étaient pas du « profilage social », mais plutôt le résultat de l’obstination de celui-ci à stationner illégalement son véhicule, indique une décision du Tribunal des droits de la personne rendue publique le 29 janvier dernier.
C’est la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) qui a amené le litige devant le Tribunal. Selon elle, quatre policiers du Service de police de la Ville de Montréal ont exercé « du profilage et du harcèlement discriminatoires » fondés sur la condition sociale de Guylain Levasseur, un homme qui vit dans son véhicule depuis 2017.
La réglementation, notamment l’interdiction de stationner son véhicule à certains endroits, n’a jamais été remise en cause par la CDPDJ. C’est son application qu’elle considère comme « démesurée ou excessive », avec « pour effet indirect de le profiler de façon discriminatoire ». En d’autres mots, M. Levasseur aurait obtenu plus de contraventions parce qu’il est une personne en situation d’itinérance, selon la CDPDJ. Sa situation sociale l’expose à la présence policière de manière accrue, a admis le juge responsable de l’affaire, Christian Brunelle, qui a aussi souligné à titre comparatif qu’un automobiliste qui vit dans un immeuble d’habitation avec espace de stationnement est « infiniment moins à risque d’accumuler les contraventions ».
De leur côté, les policiers de la Ville de Montréal ont affirmé que dans le cadre de leur travail, ils s’attardent à l’infraction commise, sans prendre en compte le statut de la personne qui la commet.
Les policiers mis en cause ont d’ailleurs soutenu qu’ils ne considéraient pas M. Levasseur comme étant une personne en situation d’itinérance, voyant son véhicule comme un moyen de subvenir à ses besoins. « Je l’ai vu à l’occasion aller chercher une pointe de pizza. T’sais, je veux dire, ce n’était pas un problème de ressources », a indiqué l’agent Daniel Raymond. Un autre officier, l’agent François Proulx, a comparé la situation de M. Levasseur au camping qu’il fait l’été. « Des voyages où je dormais dans mon camion, je n’étais pas plus itinérant », a-t-il indiqué.
Une accumulation de contraventions
Au fil des infractions, M. Levasseur a cumulé une dette judiciaire d’environ 26 000 $.
Bien que le juge ait reconnu que l’accumulation des contraventions a pu causer chez M. Levasseur un certain stress, « rien ne permet de conclure que les constats d’infractions émis à M. Levasseur ont un lien quelconque avec sa condition sociale de personne en situation d’itinérance », a-t-il conclu.
« Il va de soi que l’accumulation de constats d’infractions peut être subjectivement perçue comme du harcèlement pour la personne qui les reçoit. Cette personne devient toutefois l’artisane de son propre malheur quand elle s’obstine, malgré les avertissements reçus et sa capacité à en mesurer les effets, à contrevenir systématiquement aux règles de droit. »
Malgré son jugement défavorable à la cause de M. Levasseur, le juge a tenu à souligner qu’il « est à craindre que le nombre de personnes contraintes de vivre dans un véhicule, faute de logements abordables et de ressources, connaisse une hausse dans les années à venir ». Il espère que son jugement saura sensibiliser les autorités face à la nouvelle réalité de l’itinérance véhiculaire.