2025, l'année du retour des premiers acheteurs?
L’année 2025 sera-t-elle celle du retour des premiers acheteurs sur le marché de la propriété des logements ? Pas si sûr. Beaucoup d’obstacles restent à contourner. On pourrait cependant conclure à une hausse attendue à la fois de la demande et des prix. Mais quant à l’amélioration de l’accessibilité ?
D’entrée de jeu, il est attendu qu’un gouvernement Trump 2.0 ayant toujours les tarifs douaniers pour socle de politique économique et de négociations « diplomatiques » soit source d’incertitude pour l’économie canadienne. L’ampleur de la guerre commerciale attendue déterminera le degré de décélération de l’activité économique, de réactivation de l’inflation et de détérioration du marché du travail. Des deux côtés de la frontière.
Ici, dans leurs prévisions de novembre, les économistes du Mouvement Desjardins retiennent que les répercussions de telles politiques sur le Canada risquent d’être aussi rapides que graves, pouvant même mener à une récession dans le pire des scénarios.
Cela dit, « nous croyons toujours que Trump est plus susceptible d’utiliser les menaces de tarifs douaniers comme levier pour négocier des concessions sur le commerce, l’immigration et d’autres questions politiques. Ainsi, nos prévisions de base supposent toujours que Trump introduit progressivement des tarifs plus petits et plus ciblés », ce qui permettrait d’éviter un scénario de stagflation, osent espérer de leur côté les analystes d’Oxford Economics.
C’est avec cette trame que le marché immobilier résidentiel aura à conjuguer avec quelques défis notoires.
D’abord, la carte des taux d’intérêt. La Banque du Canada a orchestré cinq baisses consécutives de son taux cible à un jour dans ce cycle d’assouplissement monétaire amorcé en juin. Alors à 5 %, son taux directeur est revenu à 3,75 %. La firme d’analyse Oxford Economics voit ce taux directeur tomber à 2,25 % quelque part autour de juin prochain. Au Mouvement Desjardins, on parle de 2,25 % d’ici la fin de 2025. Reste donc à savoir si cet important mouvement de repli du loyer de l’argent viendra alimenter une hausse du prix de vente des propriétés — et, si oui, de quelle ampleur.
Mais cela vaut pour l’influence de la banque centrale sur les taux hypothécaires variables. Là où s’abreuvent les taux hypothécaires fixes, le scénario majoritairement retenu évoque la remontée des taux obligataires, voire tout au plus une diminution qui serait de beaucoup atténuée, notamment par un accroissement des pressions inflationnistes. Avec un taux affiché fixe moyen à cinq ans tombé à 6,5 % (mais avec un taux promotionnel à 4,2 %), les analystes estiment généralement que les taux fixes ne disposent plus de beaucoup de marge de manœuvre à la baisse. Desjardins acquiesce. « Ces baisses, largement anticipées, ont déjà été prises en compte dans les taux hypothécaires fixes. […] Dans tous les cas, les taux hypothécaires devraient demeurer plus élevés que leurs niveaux pandémiques, et même que ceux prépandémiques. »
Ensuite, la croissance de la population. On pense à l’immigration et à la réduction, par le gouvernement fédéral, de la cible d’admission de résidents permanents, qui vient s’ajouter aux limites fixées aux admissions de résidents non permanents. « Malgré la réduction des taux d’intérêt, nous prévoyons que la hausse des ventes et des prix des propriétés existantes restera modeste en raison d’une croissance plus faible de la population », soulignent les économistes de Desjardins.
Vague hypothécaire
Reste l’effet de la vague attendue de renouvellements hypothécaires en 2025 et 2026, susceptible de mettre les finances des ménages concernés sous pression. Certains emprunteurs pourraient ainsi connaître des difficultés de paiement, et le nombre de propriétés à vendre pourrait augmenter brusquement. Les économistes de Desjardins de poursuivre : « Des mises à pied pourraient se mettre en branle, ce qui ferait augmenter le taux de chômage d’une manière plus néfaste et aurait des effets indésirables sur le marché de l’habitation et le crédit. »
Selon les données du courtier immobilier JLR, une société d’Equifax, le Québec a connu au cours des 12 mois clos en décembre une augmentation des mauvaises créances dans toutes les catégories : les préavis d’exercice ont augmenté de 19 %, les délaissements de 21 % et les hypothèques légales de 17 %.
« Cette tendance est attribuable aux conséquences tardives de la dynamique économique post-pandémie, où un nombre important de prêts accordés avec un levier élevé, en raison d’une liquidité abondante, commencent à peser sur la stabilité financière des emprunteurs », expliquait JLR dans son survol précédent. Rappelons-nous le phénomène de surenchère et d’achat sans inspection ni déclaration du vendeur ou autres garanties légales.
« Ces hausses significatives reflètent une détérioration de la situation financière de nombreux propriétaires [que vient amplifier la montée du taux de chômage] », poursuit-on.
Amortissement de 30 ans
Certes, le gouvernement fédéral a apporté des modifications à l’assurance hypothécaire visant à soutenir les premiers acheteurs. Ainsi, à partir de décembre, le plafond des prêts assurés par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) est passé d’un million à 1,5 million de dollars. La réforme permet également une extension des périodes d’amortissement à 30 ans à l’achat d’une propriété neuve ou existante pour tous les primo-accédants.
« Ces changements devraient aider, mais seulement à la marge, car dans les faits, la hausse de la demande fera augmenter les prix et annulera certains des gains en matière d’abordabilité », concluent les économistes de Desjardins.
Pour les économistes de la Banque Nationale, « dans le contexte où la banque centrale devrait poursuivre sa détente monétaire afin de revenir rapidement en territoire neutre, et avec le prolongement de l’amortissement à 30 ans pour les prêts hypothécaires assurés, le marché immobilier pourrait conserver son dynamisme dans les prochains mois, à condition que la dégradation du marché du travail demeure limitée ». Les défis d’abordabilité vont toutefois demeurer entiers malgré une légère amélioration au dernier trimestre, et le prix des logements devrait poursuivre sa croissance, quoique modérée.
Les coûts d’accession à la propriété ont diminué pendant trois trimestres consécutifs l’an dernier. Dans la grande région de Montréal, la part du revenu dont un ménage a besoin pour couvrir les paiements hypothécaires, les impôts fonciers et les services publics est passée de 52,4 % à 49,4 %, demeurant toutefois près de son niveau record depuis des décennies, établi au quatrième trimestre 2023, a calculé l’économiste Robert Hogue, de la Banque Royale.
Tout au plus peut-on trouver une source de réjouissance dans les dernières données de Statistique Canada. Le rapport publié par l’agence fédérale à la fin novembre indique que les salaires élevés et les taux d’intérêt plus bas ont aidé les ménages à atteindre un sommet de trois ans de leur taux d’épargne au troisième trimestre, atteignant 7,1 %. En comparaison, il était inférieur à 3 % à la fin de 2019.
Aussi, les tendances en matière d’accessibilité à la propriété vont dans la bonne direction partout au pays. Un allègement supplémentaire est probable en 2025, sous l’effet d’une détente monétaire additionnelle de la Banque du Canada, et l’augmentation constante des revenus des ménages aura un effet bénéfique.
Mais selon le consensus, il faut s’attendre à ce que les progrès soient minces jusqu’à ce que l’offre recommence à se reconstituer.
Qu’en est-il de cette vague de renouvellements ?
Plus de quatre millions de prêts, soit environ 60 % de ceux en cours, seront renouvelés d’ici deux ans. Une bonne partie de ces prêts ne l’ont pas été depuis le début des hausses de taux d’intérêt en 2022. Même si ces derniers ont commencé à baisser, la plupart de ces emprunteurs verront donc leurs versements augmenter considérablement, a souligné Carolyn Rogers, sous-gouverneure de la Banque du Canada dans un discours fait le 6 novembre devant l’Economic Club of Canada.
Dans son rapport de l’automne 2024 sur le secteur, la SCHL fait ressortir que, dans la foulée, un grand nombre de prêts hypothécaires à taux fixe devront être renouvelés prochainement : 1,2 million en 2025, et 980 000 en 2026. Pour cette année, on parle ainsi de 17 % des prêts délivrés.
La plupart des prêts hypothécaires auront des taux d’intérêt plus élevés qu’au début de leur terme. En effet, « 85 % des prêts hypothécaires à taux fixe devant être renouvelés en 2025 avaient été souscrits lorsque le taux directeur de la Banque du Canada était égal ou inférieur à 1 %. Par conséquent, au moins 1,05 million d’emprunteurs hypothécaires devront renouveler leur prêt en 2025 à un taux d’intérêt nettement plus élevé ».
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