Le virage numérique de la SAAQ allonge ses files d’attente physiques
Le virage numérique entrepris par la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) connaît des ratés. Depuis le 20 février, des automobilistes, incapables d’obtenir les services en ligne, finissent par se présenter en personne aux points de service de la SAAQ, où leur patience est mise à rude épreuve.
Au point de service du 6900, boulevard Décarie, dans Côte-Saint-Luc, la file d’attente est longue. « Je suis arrivée à 7 h. J’étais la sixième personne », indique Oldooz Keshavarzi, croisée mercredi dans le corridor adjacent au bureau d’un mandataire de la SAAQ. Elle explique avoir tenté de s’inscrire en ligne sur le nouveau site de la Société, mais en vain, car le site ne pouvait confirmer son inscription. Elle s’est donc présentée en personne au bureau. Comme elle doit régler les dossiers de deux voitures, elle a dû prendre quatre jours de congé en dix jours.
Trois heures après son arrivée, Mme Keshavarzi est maintenant deuxième dans la file, car seulement quatre personnes ont pu voir leur dossier traité par le seul employé en poste mercredi. « Il n’y a aucune chance que ceux qui sont au bout de la file puissent être servis aujourd’hui », dit-elle en jetant un regard sur la trentaine de personnes qui patientent derrière elle.
« On fait ce qu’on peut »
Arrivé à 7 h 20, Carlito Cabrales, lui, en est à sa troisième tentative de renouvellement de son immatriculation à ce point de service. Il prend son mal en patience, tout comme ses compagnons d’infortune, mais il ne cache pas son exaspération.
Dernière dans la file qui n’avance pas, Rahima Hassan est bien décidée à attendre, quitte à passer la journée dans le corridor du petit centre commercial afin de pouvoir, elle aussi, renouveler son immatriculation.
Les files d’attente s’allongent aussi dans d’autres points de service de la SAAQ. À la Place Dupuis, vers 8 h 50 mercredi, soit 20 minutes après l’ouverture du bureau, une employée a prévenu les clients que ceux qui n’avaient pas eu de numéro ne pourraient obtenir de services et qu’il valait mieux pour eux de revenir un autre jour. « On fait ce qu’on peut. »
Devant le bureau de la SAAQ de la rue Saint-Jacques, une trentaine de personnes font le pied de grue dehors. La journée est plutôt clémente, mais Waqas Mahmood, qui attend depuis plus d’une heure, grelotte. « Je me suis rendu au bureau du boulevard Décarie, mais la file était tellement longue que je suis venu ici. Je n’ai pas le choix. Il me reste deux jours pour renouveler mon immatriculation », explique-t-il.
Des scènes semblables ont été signalées dans bien d’autres bureaux de la SAAQ, à Saint-Léonard et à Longueuil, notamment.
Nouveau portail
La situation dans les divers points de service visités par Le Devoir est étroitement liée au virage numérique entrepris par la SAAQ. Le 20 février dernier, celle-ci a lancé une nouvelle plateforme, SAAQclic, afin d’améliorer son offre de services en ligne. Sauf que pour procéder au transfert des données dans le nouveau système, elle a dû fonctionner au ralenti du 26 janvier au 19 février.
« Pendant cette période, on a fait à peu près 20 000 transactions manuelles. Mais si on compare avec la même période l’an dernier, c’était quelque 400 000 transactions dans les points de service qui avaient été faites », explique Gino Desrosiers, relationniste à la SAAQ.
La Société procède donc à un rattrapage. M. Desrosiers souligne qu’environ la moitié des transactions effectuées récemment dans les centres de service auraient pu être réalisées en ligne. « On comprend que ce n’est pas tout le monde qui est à l’aise avec les services en ligne, mais une des solutions à la diminution des files d’attente, ça va être une utilisation accrue des services en ligne. »
Il n'y a aucune chance que ceux qui sont au bout de la file puissent être servis
Gino Desrosiers reconnaît que le virage numérique a eu du sable dans l’engrenage dans la première semaine, autant dans les centres de service qu’en ligne, sur la nouvelle plateforme. « Nos employés devaient travailler avec de nouveaux outils, avance-t-il. Dans les premiers jours, on avait décelé des anomalies sur le portail, qu’on a corrigées. »
Le relationniste croit qu’il faudra quelques semaines à la SAAQ pour rattraper le retard qu’a entraîné la période transitoire. « Peut-être qu’en avril, on aura pas mal repris le retard. »
Depuis le 20 février, la SAAQ a tout de même enregistré 710 000 transactions, tant en ligne que dans ses points de service, dit-il.
Pour ce qui est de la prise de rendez-vous — qui, dans bien des cas, ne sont disponibles qu’en avril —, M. Desrosiers suggère aux usagers de la route de tenter régulièrement leur chance, car des plages horaires supplémentaires pourraient s’ajouter sur le portail dans les prochaines semaines.
Concernant le manque d’effectifs au bureau du boulevard Décarie, Gino Desrosiers précise qu’il s’agit d’un centre géré par un mandataire et que, comme d’autres employeurs, la SAAQ et ses mandataires doivent composer avec des difficultés de recrutement de personnel. « On a étiré nos heures de service, et plusieurs centres ont fonctionné le samedi. Mais c’est sûr que ça prend du personnel. Que ce soit nous ou nos mandataires, on fait tous face à la pénurie de main-d’œuvre. »